Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/42

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— Je n’ai troublé la vie de personne, dit Peggotty. Grâce à Dieu ! Non, monsieur Murdstone, je n’ai pas fait mourir de peur et de chagrin une pauvre petite créature pleine de bonté et de douceur. »

Il la regarda d’un air sombre, d’un air de remords, je crois, pendant un moment, puis il dit en se retournant de mon côté, mais en regardant mes pieds au lieu de regarder mon visage.

« Il n’est pas probable que nous nous rencontrions de longtemps, ce qui doit être un sujet de satisfaction pour tous deux, sans doute, car des rencontres comme celle-ci ne peuvent jamais être agréables. Je ne m’attends pas à ce que vous, qui vous êtes toujours révolté contre mon autorité légitime, quand je l’employais pour vous corriger et vous mener à bien, vous puissiez maintenant me témoigner quelque bonne volonté. Il y a entre nous une antipathie…

— Invétérée, lui dis-je en l’interrompant. Il sourit et me décocha le regard le plus méchant que pussent darder ses yeux noirs.

— Oui, vous étiez encore au berceau, qu’elle couvait déjà dans votre sein, dit-il : elle a assez empoisonné la vie de votre pauvre mère, vous avez raison. J’espère pourtant que vous vous conduirez mieux ; j’espère que vous vous corrigerez »

Ainsi finit notre dialogue à voix basse, dans un coin de la première pièce. Il entra après cela dans le cabinet de M. Spenlow, en disant tout haut, de sa voix la plus douce :

« Les hommes de votre profession, monsieur Spenlow, sont accoutumés aux discussions de famille, et ils savent combien elles sont toujours amères et compliquées. » Là-dessus il paya sa dispense, la reçut de M. Spenlow soigneusement pliée, et après une poignée de main et des vœux polis du procureur pour son bonheur et celui de sa future épouse, il quitta le bureau.

J’aurais peut-être eu plus de peine à garder le silence après ses derniers mots, si je n’avais pas été uniquement occupé de tâcher de persuader à Peggotty (qui n’était en colère qu’à cause de moi, la brave femme ! que nous n’étions pas en un lien propre aux récriminations et que je la conjurais de se contenir. Elle était dans un tel état d’exaspération, que je fus enchanté d’en être quitte pour un de ses tendres embrassements. Je le devais sans doute à cette scène qui venait de réveiller en elle le souvenir de nos anciennes injures, et je soutins