Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/431

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Avec sa douce tranquillité, elle calma mon agitation ; elle me ramena au souvenir du moment de notre séparation ; elle me parla d’Émilie, qu’elle avait été voir en secret plusieurs fois ; elle me parla d’une manière touchante du tombeau de Dora. Avec l’instinct toujours juste que lui donnait son noble cœur, elle toucha si doucement et si délicatement les cordes douloureuses de ma mémoire que pas une d’elles ne manqua de répondre à son appel harmonieux, et moi, je prêtais l’oreille à cette triste et lointaine mélodie, sans souffrir des souvenirs qu’elle éveillait dans mon âme. Et comment en aurais-je pu souffrir, lorsque le sien les dominait tous et planait comme les ailes de mon bon ange sur ma vie !

« Et vous, Agnès ? dis-je enfin. Parlez-moi de vous. Vous ne m’avez encore presque rien dit de ce que vous faites.

— Et qu’aurais-je à vous dire reprit-elle avec son radieux sourire. Mon père est bien. Vous nous retrouvez ici tranquilles dans notre vieille maison qui nous a été rendue ; nos inquiétudes sont dissipées ; vous savez cela, cher Trotwood, et alors vous savez tout.

— Tout, Agnès ? »

Elle me regarda, non sans un peu d’étonnement et d’émotion.

« Il n’y a rien de plus, ma sœur ? lui dis-je. »

Elle pâlit, puis rougit, et pâlit de nouveau. Elle sourit avec une calme tristesse, à ce que je crus voir, et secoua la tête. J’avais cherché à la mettre sur le sujet dont m’avait parlé ma tante car quelque douloureuse que dût être pour moi cette confidence, je voulais y soumettre mon cœur et remplir mon devoir vis-à-vis d’Agnès. Mais je vis qu’elle se troublait, et je n’insistai pas.

« Vous avez beaucoup à faire, chère Agnès ?

— Avec mes élèves ? » dit-elle en relevant la tête ; elle avait repris sa sérénité habituelle.

« Oui. C’est bien pénible, n’est-ce pas ?

— La peine en est si douce, reprit-elle, que je serais presque ingrate de lui donner ce nom.

— Rien de ce qui est bien ne vous semble difficile, répliquai-je. »

Elle pâlit de nouveau, et, de nouveau, comme elle baissait la tête, je revis ce triste sourire.

« Vous allez attendre pour voir mon père, dit-elle gaiement, et vous passerez la journée avec nous. Peut-être même voudrez-