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Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/436

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environnait quelque chose de doux et de tendre, que je ne pouvais m’expliquer ; quelque chose qui, chez une autre, aurait pu tenir de la tristesse (et maintenant je sais que j’avis raison), mais qui n’en avait pas chez vous le caractère. »

Elle jouait doucement quelques notes, et elle me regardait toujours.

« Vous ne riez pas de l’idée que je caressais alors ; ces folles idées, Agnès ?

— Non !

— Et si je vous disais que, même alors, je comprenais que vous pourriez aimer fidèlement, en dépit de tout découragement, aimer jusqu’à votre dernière heure, ne ririez-vous pas au moins de ce rêve ?

— Oh non ! oh non ! »

Un instant son visage prit une expression de tristesse qui me fit tressaillir, mais, l’instant d’après, elle se remettait à jouer doucement, en me regardant avec son beau et calme sourire.

Tandis que je retournais le soir à Londres, poursuivi par le vent comme par un souvenir inflexible, je pensais à elle, je craignais qu’elle ne fût pas heureuse. Moi, je n’étais pas heureux, mais j’avais réussi juqu’alors à mettre fidèlement un sceau sur le passé ; et, en songeant à elle, tandis qu’elle me montrait le ciel, je songeais à cette demeure éternelle où je pourrais un jour l’aimer, d’un amour inconnu à la terre, et lui dire la lutte que je m’étais livrée dans mon cœur, lorsque je l’aimais ici-bas.


Provisoirement, dans tous les cas, jusqu’à ce que mon livre fût achevé, c’est-à-dire pendant quelques mois encore… j’élus domicile à Douvres chez ma tante ; et là, assis à la fenêtre d’où j’avais contemplé la lune réfléchie dans les eaux dé la mer la première fois que j’étais venu chercher un abri sous ce toit, je poursuivis tranquillement ma tâche.