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Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/437

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Fidèle à mon projet de ne faire allusion à mes travaux que lorsqu’ils viennent par hasard se mêler à l’histoire da ma vie, je ne dirai point les espérances, les joies, les anxiétés et les triomphes de ma vie d’écrivain. J’ai déjà dit que je me vouais à mon travail avec toute l’ardeur de mon âme, que j’y mettais tout ce que j’avais d’énergie. Si mes livres ont quelque valeur, qu’ai-je besoin de rien ajouter ? Sinon, mon travail ne valant pas grand’chose, le reste n’a d’intérêt pour personne.

Parfois, j’allais à Londres, pour me perdre dans ce vivant tourbillon du monde, ou pour consulter Traddles sur quelque affaire. Pendant mon absence, il avait gouverné ma fortune avec un jugement des plus solides ; et, grâce à lui, elle était dans l’état le plus prospère. Comme ma renommée croissante commençait à m’attirer une foule de lettres de gens que je ne connaissais pas, lettres souvent fort insignifiantes, auxquelles je ne savais que répondre, je convins avec Traddles de faire peindre mon nom sur sa porte ; là, les facteurs infatigables venaient apporter des monceaux de lettres à mon adresse, et, de temps à autre, je m’y plongeais à corps perdu, comme un ministre de l’intérieur, sauf les appointements.

Dans ma correspondance je trouvais parfois égarée une offre obligeante de quelqu’un des nombreux, individus qui erraient dans la cour des Doctors’-Commons : on me proposait de pratiquer sous mon nom (si je voulais seulement me charger d’acheter la charge de procureur), et de me donner tant pour cent sur les bénéfices. Mais je déclinai toutes ces offres, sachant bien qu’il n’y avait que déjà trop de ces courtiers marrons en exercice, et persuadé que la cour des Commons était déjà bien assez mauvaise comme cela, sans que j’allasse contribuer à la rendre pire encore.

Les sœurs de Sophie étaient retournées en Devonshire, lorsque mon nom vint éclore sur la porte de Traddles, et c’était le petit espiègle qui répondait tout le jour, sans seulement avoir l’air de connaître Sophie, confinée dans une chambre de derrière, d’où elle avait l’agrément de pouvoir, en levant les yeux de dessus son ouvrage, avoir une échappée de vue sur un petit bout de jardin enfumé, y compris une pompe.

Mais je la retrouvais toujours là, charmante et douce ménagère, fredonnant ses chansons du Devonshire quand elle n’entendait pas monter quelques pas inconnus et fixant par ses chants mélodieux le petit page sur son siège, dans son antichambre officielle.