Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/80

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— Qui donc ? demandai-je.

— M. Heep et sa mère. Il occupe votre ancienne chambre, dit Agnès en me regardant.

— Je voudrais être chargé de lui fournir ses rêves, repliquai-je, il n’y coucherait pas longtemps.

— J’ai gardé mon ancienne petite chambre, dit Agnès, celle où j’apprenais mes leçons. Comme le temps passe ! vous souvenez-vous ? La petite pièce lambrissée qui donne dans le salon.

— Si je me souviens, Agnès ? C’est là que je vous ai vue pour la première fois ; vous étiez debout à cette porte, votre petit panier de clefs au côté.

— Précisément, dit Agnès en souriant ; je suis bien aise que vous en ayez gardé un si bon souvenir ; comme nous étions heureux alors !

— Oh ! oui ! Je garde cette petite pièce pour moi, mais je ne puis pas toujours laisser là mistress Heep, vous savez ? Ce qui fait, dit Agnès avec calme, que je me sens quelquefois obligée de lui tenir compagnie quand j’aimerais mieux être seule. Mais je n’ai pas d’autre sujet de plainte contre elle. Si elle me fatigue quelquefois par ses éloges de son fils, quoi de plus naturel chez une mère ? C’est un très-bon fils ! »

Je regardai Agnès pendant qu’elle me parlait ainsi, sans découvrir dans ses traits aucun soupçon des intentions d’Uriah. Ses beaux yeux, si doux et si assurés en même temps, soutenaient mon regard avec leur franchise accoutumée, et sans aucune altération visible sur son visage.

« Le plus grand inconvénient de leur présence chez nous, dit Agnès, c’est que je ne puis pas être aussi souvent avec papa que je le voudrais, car Uriah Heep est constamment entre nous. Je ne puis donc pas veiller sur lui, si ce n’est pas une expression un peu hardie, d’aussi près que je le désirerais. Mais, si on emploie envers lui la fraude ou la trahison, j’espère que mon affection fidèle finira toujours par en triompher.

— J’espère que la véritable affection d’une fille vigilante et dévouée est plus forte, au bout du compte, que tous les dangers du monde. »

Ce sourire lumineux que je n’ai jamais vu sur aucun autre visage disparut alors du sien, au moment où j’en admirais la douceur et où je me rappelais le bonheur que j’avais autrefois à le voir, et elle me demanda avec un changement marqué de physionomie, quand nous approchâmes de la rue que j’habitais, si je savais comment les revers de fortune de ma