Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/81

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tante lui étaient arrivés. Sur ma réponse négative, Agnès devint pensive, et il me sembla que je sentais trembler le bras qui reposait sur le mien.

Nous trouvâmes ma tante toute seule et un peu agitée. Il s’était élevé entre elle et mistress Crupp une discussion sur une question abstraite (la convenance de la résidence du beau sexe dans un appartement de garçon), et ma tante, sans s’inquiéter des spasmes de mistress Crupp, avait coupé court à la dispute en déclarant à cette dame qu’elle sentait l’eau-de-vie, qu’elle me volait et qu’elle eût à sortir à l’instant. Mistress Crupp, regardant ces deux expressions comme injurieuses, avait annoncé son intention d’en appeler au « Jurique anglais, » voulant parler, à ce qu’on pouvait croire, du boulevard de nos libertés nationales.

Cependant ma tante ayant eu le temps de se remettre, pendant que Peggotty était sortie pour montrer à M. Dick les gardes à cheval, et, de plus, enchantée de voir Agnès, ne pensait plus à sa querelle que pour tirer une certaine vanité de la manière dont elle en était sortie à son honneur ; aussi nous reçut-elle de la meilleure humeur possible. Quand Agnès eut posé son chapeau sur la table et se fut assise près d’elle je ne pus m’empêcher de me dire, en regardant son front radieux et ses yeux sereins, qu’elle me semblait là à sa place ; qu’elle y devrait toujours être ; que ma tante avait en elle, malgré sa jeunesse et son peu d’expérience, une confiance entière. Ah ! elle avait bien raison de compter pour sa force sur sa simple affection, dévouée et fidèle.

Nous nous mîmes à causer des affaires de ma tante, à laquelle je dis la démarche inutile que j’avais faite le matin même.

« Ce n’était pas judicieux, Trot, mais l’intention était bonne. Vous êtes un brave enfant, je crois que je devrais dire plutôt à présent un brave jeune homme, et je suis fière de vous, mon ami. Il n’y a rien à dire, jusqu’à présent. Maintenant, Trot et Agnès, regardons en face la situation de Betsy Trotwood, et voyons où elle en est. »

Je vis Agnès pâlir, en regardant attentivement ma tante. Ma tante ne regardait pas moins attentivement Agnès, tout en caressant son chat.

« Betsy Trotwood, dit ma tante, qui avait toujours gardé pour elle ses affaires d’argent, je ne parle pas de votre sœur, Trot, mais de moi, avait une certaine fortune. Peu importe ce qu’elle avait, c’était assez pour vivre : un peu plus même, car