Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 2.djvu/102

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m’étais muni d’une grosse redingote et d’un beau cache-nez en cachemire, pour faire honneur à cette place privilégiée ; je m’y étais installé, un peu fier de moi-même et convaincu que la voiture pouvait être fière de moi. Eh bien ! à peine le premier relais franchi, j’étais supplanté par un homme louche, vulgaire de costume et de langage, dont tout le mérite était de sentir horriblement l’écurie.

La défiance de moi-même m’a souvent nui dans le monde ; certes, le petit épisode de la diligence de Cantorbéry n’était pas fait pour m’encourager à secouer cette infirmité naturelle. J’eus beau me réfugier dans ma brusquerie d’emprunt ; j’eus beau tirer toutes mes paroles du creux de l’estomac pendant le reste du voyage, je ne pus me dissimuler que j’étais un novice, un innocent, un astre éteint à mon aurore.

C’était cependant encore une situation curieuse et intéressante que la mienne sur l’impériale de la diligence, derrière quatre chevaux fringants qui me conduisaient à la capitale britannique ! Jeune homme bien élevé, bien vêtu, la poche bien garnie : je retrouvais de distance en distance les jalons du premier voyage que j’avais fait sur cette même route,