Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 2.djvu/105

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

que je tombais des nuages par delà lesquels je venais de vivre d’une vie romanesque pendant un siècle au moins.

J’étais tout étourdi de cette chute, et il fallut que je fusse coudoyé et bousculé deux ou trois fois pour dire adieu à mes illusions et chercher le chemin de mon hôtel. Là, je me séchais devant le feu de la salle commune, tout prêt à renouer le fil de mon rêve, en dépit du garçon qui m’avait apporté ma bougie pour m’avertir qu’il serait bien aise de me voir dans mon lit afin de pouvoir gagner le sien, lorsqu’entra un jeune homme qui captiva toute mon attention. Mon cœur battait violemment, et j’allai à lui avec une telle spontanéité, que je fus surpris de sa propre hésitation.

« — Steerforth ! » m’écriai-je, « ne vous souvenez-vous plus de moi ? »

» — Bon Dieu ! » dit-il alors, « c’est le petit Copperfield ! »

Il me reconnaissait ! je saisis ses mains avec une étreinte affectueuse… J’étais, malgré mon envie de lui sauter au cou pour l’embrasser, comme retenu par la peur de lui déplaire. Les yeux pleins de larmes, j’essayais de rire. Les expressions de ma joie expiraient