Aller au contenu

Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 1.djvu/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

certainement eût été tout autre pour une parfaite Dombey. Miss Tox régla ses sentiments sur ceux qu’on montrait devant elle. Richard, la coupable Richard seule, laissa déborder sa joie dans un flux de paroles entrecoupées, et se pencha sur la tête de la petite vagabonde avec une tendresse qui n’était pas simulée.

« Ah ! Richard, dit Mme Chick avec un soupir, c’eût été une bien plus grande satisfaction pour ceux qui aiment à bien penser de leur prochain, et bien plus sage à vous, si vous aviez témoigné à propos l’intérêt qu’il mérite, à ce pauvre enfant qui va maintenant se voir privé trop tôt de sa nourriture naturelle.

— Oui, dit miss Tox, avec un murmure plaintif, qui va se voir privé de la source à laquelle il s’abreuvait.

— Si je me sentais aussi coupable que vous, Richard, dit Mme Chick d’un ton grave, et que je fisse les réflexions que vous devez faire, il me semblerait que l’uniforme des charitables rémouleurs dût porter malheur à mon enfant et que l’éducation gratuite qu’il reçoit dût lui rester sur l’estomac. »

Quant à cela (mais il est vrai que Mme Chick ignorait ce qui s’était passé) l’uniforme ne lui avait déjà que trop porté malheur, et, quant à l’éducation, il en portait des marques trop visibles dans les meurtrissures des coups qu’elle lui avait déjà valus.

« Louisa, dit M. Dombey, il est inutile de prolonger ces observations. Cette femme est congédiée et payée. Vous quittez cette maison, Richard, pour avoir conduit mon fils, mon fils, dit M. Dombey en répétant avec emphase ces deux mots, dans des lieux, dans un monde auxquels on ne peut songer sans frémir. Quant à l’accident arrivé ce matin à Mlle Florence, je le regarde, sous un certain point, comme une heureuse circonstance. Sans cet accident, je n’aurais jamais su, comme je l’ai appris de votre propre bouche, la faute dont vous vous êtes rendue coupable. Il me semble, Louisa, que l’autre bonne, cette fille (à ce moment Mlle Nipper sanglota bien fort), vu sa jeunesse, a dû être influencée par Richard, et qu’on peut la garder. Veuillez prévenir que la voiture de cette femme est payée pour… (M. Dombey s’arrêta par un mouvement de dégoût) pour Staggs-Gardens. »

Polly se dirigea vers la porte, tandis que Florence, cramponnée à sa robe, lui criait d’une voix pathétique de ne pas s’en aller. Ce fut un coup de poignard pour le cœur de ce