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Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 1.djvu/307

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désire vous voir revenir et je le prierai de vous rappeler ici par amour pour moi. »

Sa voix, en parlant de son père, avait pris une modulation si touchante que Walter la comprit trop bien.

Comme on était arrivé à la voiture, Walter l’aurait quittée sans dire un mot, car il sentait en ce moment ce que c’est que de se quitter ; mais Florence lui tendit la main, quand elle se fut assise, et il vit que cette main tenait un petit paquet.

« Walter, lui dit-elle en le regardant fixement avec amitié, comme vous, j’espère mieux aussi. Je prierai pour cela, et je crois que le ciel exaucera ma prière. J’avais fait ce petit ouvrage pour Paul. Je vous en prie, acceptez-le avec mon amitié, mais ne le regardez pas avant votre départ. Et maintenant, que Dieu vous conduise, Walter ! ne m’oubliez pas. Vous êtes mon frère, cher Walter ! »

Heureusement Suzanne Nipper vint se placer entre eux, car il lui aurait laissé en la quittant une impression pénible. Heureusement aussi, Florence ne regarda plus par la portière de la voiture, et se contenta d’agiter seulement sa petite main aussi longtemps qu’il pouvait la voir.

Malgré sa défense, Walter ne put s’empêcher d’ouvrir ce soir-là le petit paquet, avant de s’endormir ; c’était une jolie bourse, et bien garnie.

Le soleil, le lendemain, revint tout resplendissant de son voyage dans les pays lointains, et Walter se leva avec lui pour recevoir le capitaine qui était déjà à la porte. Il s’était échappé plus tôt qu’il n’était nécessaire, afin de se mettre au large pendant le sommeil de Mme Mac-Stinger. Le capitaine faisait semblant d’être d’une gaieté folle et il apportait, pour le déjeuner, dans la poche de son grand habit bleu, une langue bien fumée.

« Walter, dit le capitaine quand on se fut assis à table, si votre oncle veut conserver mon estime, il nous donnera pour cette circonstance sa dernière bouteille de madère.

— Non, non, Cuttle, répondit le vieillard, non, nous la déboucherons quand Walter reviendra.

— Bien parlé ! s’écria le capitaine. Silence !

— Elle est couchée en bas dans la cave, couverte de poussière et de toiles d’araignées. Peut-être aussi serons-nous couverts de poussière et de toiles d’araignées, avant qu’elle revoie le jour…

— Silence ! s’écria le capitaine. En voilà de la morale et