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Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 1.djvu/324

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flant, grondant, mugissant, ne laissant de son passage d’autre trace qu’un peu de poussière et un peu de fumée ; ne dirait-on pas la chasse inexorable de ce monstre au cœur de fer : la mort ?

Oui, il fuit, il fuit toujours, il gronde, fier et rapide, il glisse, fendant l’air et la lumière, la pluie de l’orage et les rayons du soleil ; et les immenses monuments, les ponts massifs qui le dominent, passent devant les yeux comme une ombre chinoise et disparaissent. Il fuit ; il fuit toujours, et avec lui les villas, les châteaux, les manoirs, les riches propriétés, les fermes, les métairies, les gens, les grandes routes, les sentiers qui semblent déserts, mesquins, insignifiants, à mesure qu’on les laisse derrière soi, image de tout ce qu’on laisse derrière soi dans la vie, éclairs rapides, épisodes fugitifs de cette chasse inexorable du monstre au cœur de fer : la mort !

Il fuit, sifflant, grondant, mugissant ; une fois encore il plonge dans les entrailles de la terre, il s’agite, se tourmente avec tant d’énergie, de persévérance, qu’au milieu des ténèbres on croirait qu’il recule, qu’il retourne avec fureur sur ses pas, si un rayon de lumière venant à tomber sur les murs humides ne dessinait son ombre qui court ou plutôt qui coule comme un torrent furieux. Il fuit, pour reparaître une fois encore à la lumière, avec un cri saisissant de triomphe et de joie, toujours grondant, toujours mugissant, ébranlant tout, repoussant tout de sa noire haleine, quelquefois s’arrêtant une minute devant une foule de gens qui, une minute après ont disparu, quelquefois s’abreuvant à la cuve avec avidité, et, avant que le tuyau qui lui a donné son eau ait cessé de dégoutter sur la terre, il siffle, gronde, mugit au loin, tout en feu.

Il siffle, il mugit plus fort, toujours plus fort à mesure qu’il approche du terme du voyage ; et sa route alors, comme celle de la mort, est couverte de cendres épaisses. Tout s’assombrit à l’entour ; là sont des mares d’eau noire, des sentiers pleins de boue et de misérables demeures au-dessous de la voie. Ici des murs à moitié renversés, des maisons en ruine, et, à travers les toits entr’ouverts et les fenêtres brisées, on aperçoit de pauvres chambres où la fièvre et le besoin se cachent sous les formes les plus piteuses, pendant que, le long des pignons entassés, les cheminées tortueuses, dessinées par une traînée de suie et de poussière, les traces de ci-