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L’appartement que M. Dombey s’était réservé, donnait sur le vestibule, et se composait d’un boudoir, d’une bibliothèque, convertie en cabinet de toilette, si bien que l’odeur du papier satiné, du vélin, du maroquin, du cuir de Russie, se mêlait à l’odeur des paires de bottes ; puis on arrivait à une espèce de galerie ou de salle à manger vitrée. De là, on pouvait apercevoir les deux arbres dont j’ai parlé, et souvent des chats rôdeurs venaient animer le paysage. Ces trois pièces se commandaient. Le matin, quand M. Dombey s’était fait servir son déjeuner dans une des deux premières chambres, ou bien à l’heure de son dîner, on sonnait Richard qui se rendait aussitôt dans la galerie, où elle se promenait avec son petit nourrisson. Elle avait toujours vu M. Dombey, assis dans l’obscurité à une assez grande distance, cherchant à apercevoir l’enfant du milieu de ses vieux meubles noircis par le temps ; car il faut dire que la maison avait été habitée pendant de longues années par le père de M. Dombey, et que, sous plus d’un rapport, elle avait passé de mode et présentait un aspect maussade. Richard, d’après ce qu’elle avait pu voir de M. Dombey, commençait à le regarder dans sa solitude, comme un reclus dans sa cellule, ou comme une apparition fantastique qu’il ne fallait pas approcher ou reconnaître.

Telle était la vie que, depuis plusieurs semaines, la nourrice avait menée et avait fait mener au petit Paul. Elle venait de monter l’escalier, après une triste promenade dans les sombres pièces de la maison ; car elle ne sortait jamais sans Mme  Chick, qui, ordinairement accompagnée de miss Tox, venait la chercher, quand la matinée était belle, pour lui faire prendre l’air avec le petit Dombey ; promenade qui consistait à les faire marcher sur les trottoirs avec la gravité d’un convoi funèbre. Richard s’était assise dans sa chambre, quand la porte s’ouvrit doucement : une petite fille aux yeux noirs parut sur le seuil.

C’est sans doute Mlle  Florence qui revient de chez sa tante ? pensa Richard, qui n’avait pas encore vu la petite fille. « Bonjour, mademoiselle ?

— Est-ce là mon frère ? demanda la petite fille, en montrant du doigt le petit enfant.

— Oui, ma mignonne, répondit Richard. Venez l’embrasser. »

Mais l’enfant, au lieu d’avancer, la regarda fixement et lui dit :

« Qu’avez-vous fait de maman ?