Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 1.djvu/48

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est prêt, et qu’il vous attend. Enfin, si vous avez l’estomac creux, le mien l’est tout autant.

— Alors, marchons, mon oncle, et vive l’amiral !

— Le ciel confonde votre amiral ! répliqua Gills, vous voulez dire, vive le lord maire !

— Non pas, non pas, dit le jeune homme ; vive l’amiral ! vive l’amiral ! et en avant. »

À cette parole de commandement, la perruque galloise et son maître furent entraînés sans résistance dans la salle à manger, comme si, à la tête de cinq cents hommes, ils eussent monté à l’abordage ; et bientôt l’oncle et le neveu entamèrent une sole frite qu’un bon bifteck devait suivre.

« Au lord maire, Walter, dit Solomon, au lord maire, pour toujours ! Plus d’amiral ! le lord maire est votre amiral.

— Oh ! vous croyez, dit le jeune homme en secouant la tête ; mais l’huissier qui le précède est plus amiral que lui. Il tire au moins son épée quelquefois.

— Oui, et il fait une jolie mine quand il la tire, répliqua l’oncle. Écoutez, Walter, écoutez-moi ; regardez un peu au-dessus de la cheminée.

— Oh ! s’écria le jeune homme, qui donc a pendu ma timbale à un clou ?

— Moi, dit l’oncle ; plus de timbales maintenant. À partir d’aujourd’hui, on boit dans des verres. Nous sommes commerçants ; nous faisons partie de la Cité ; nous entrons dans la vie ce matin.

— Mon oncle, dit le jeune homme, je boirai dans tout ce qu’il vous plaira, aussi longtemps que je pourrai boire à votre santé. À vous donc, cher oncle, et vivat à l’am…

— Au lord maire ! interrompit le vieillard.

— Au lord maire, aux shérifs, au conseil municipal, aux notables de la Cité ! dit le jeune homme, longue vie leur soit donnée ! »

L’oncle remua la tête en signe de grande satisfaction. « Et maintenant, dit-il, parlons de cette maison de commerce.

— Oh ! mon oncle, il y a peu de chose à dire sur ce sujet, reprit le jeune homme balançant sa fourchette et son couteau. C’est une longue enfilade de magasins assez sombres ; dans le bureau où l’on m’a placé, il y a un énorme garde-feu, un coffre-fort, des cartes représentant les navires en partance, un almanach, des pupitres, des tabourets, une bouteille à encre, des livres, des boîtes, beaucoup de toiles d’araignées dont l’une