garda la douce victime qui marchait près de lui, sa vivacité habituelle et l’émotion qu’il ressentait eurent bientôt changé le cours de ses idées. Puis une des malheureuses savates s’étant encore défaite, il offrit à Florence de la porter à bras chez son oncle. La petite fille, quoique très-fatiguée, refusa en riant et prétendit qu’il pourrait la laisser tomber. Mais, tout en approchant du petit aspirant de marine, Walter lui racontait des épisodes de naufrages ou d’autres désastres émouvants, dans lesquels de jeunes garçons, moins âgés que lui, avaient glorieusement sauvé la vie à des jeunes filles bien plus grandes que Florence, en les emportant dans leurs bras, et ils étaient encore dans le feu de cette conversation intéressante, quand ils arrivèrent à la porte de l’opticien.
« Holà ! oncle Sol, cria Walter en s’élançant dans la boutique et parlant à tort et à travers, sans reprendre haleine, tout le reste de la soirée. En voilà une singulière aventure ! La fille de M. Dombey s’est perdue dans les rues, une vieille sorcière lui a volé ses vêtements. Je l’ai retrouvée, je l’amène ici pour se reposer. Regardez !
— Bonté divine, dit l’oncle Sol, qui, en reculant d’étonnement, alla se cogner le dos contre sa boussole favorite. Est-ce bien possible ! Eh bien ! je… je…
— Non, non, ni vous ni personne ne voudrait, ne pourrait le croire, voyez-vous dit Walter, finissant la phrase de son oncle. Allons, maintenant, donnez-moi un coup de main pour approcher le petit canapé près du feu, voulez-vous, mon oncle. Prenez garde aux assiettes ; … à propos si vous lui trouviez quelque chose à manger. — Mademoiselle Florence, jetez ces vieilles savates devant le feu, mettez vos pieds sur le garde-cendres pour les sécher ; comme ils sont mouillés ! hein ! Quelle aventure ! mon oncle. Oh ! mon Dieu ! que j’ai chaud ! »
Solomon, par sympathie, avait presque aussi chaud, tant il était saisi de cet événement. Il caressait Florence, la pressait de manger, lui versait à boire, frottait la plante de ses pieds avec son mouchoir qu’il chauffait au feu, suivait de l’œil et de l’oreille Walter qui n’arrêtait pas, et, dans le trouble de son esprit, il ne voyait qu’une chose, c’est qu’à tous moments il était repoussé, bousculé par l’impétueux jeune homme qui courait de çà, de là, tout autour de la chambre, voulant faire vingt choses à la fois et ne faisant rien du tout.
« Une minute, mon oncle, continua-t-il en prenant une lumière, je monte en haut, j’endosse un autre habit, et je me