Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/110

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dessus des bois ; il avait beau regarder dans l’atmosphère éclairée par les rayons du soleil les papillons qui se jouaient autour de sa tête et les oiseaux qui remplissaient l’air de leurs chants ; il avait beau regarder en bas l’ombre des branches entrelacées qui formaient un tapis mouvant sous ses pieds ; il avait beau regarder devant lui les arbres qui, en s’avançant sur le chemin, formaient des nefs et des bas côtés, mystérieusement éclairés par la douce lumière pénétrant à travers le feuillage, il avait toujours un coin de l’œil braqué sur la tête droite et roide de M. Dombey et sur les plumes d’un chapeau de femme qui se baissaient avec une nonchalance pleine de mépris, comme le matin il avait vu se baisser ses paupières orgueilleuses, relevées maintenant avec la même fierté de mépris sur le visage qui lui faisait face.

Une fois, une seule fois, les yeux assidus de M. Carker firent grâce aux objets de son attention : ce fut au moment où, sautant par-dessus une petite haie et traversant la plaine au galop, de façon à prévenir la voiture qui suivait la route, il courut se montrer au terme du voyage, tout prêt à donner la main aux dames pour descendre de voiture. Alors, mais seulement alors, il vit pour un instant, dans son regard, une expression de surprise ; mais quand il eut avancé vers elle sa main douce et blanche, pour l’aider à mettre pied à terre, ce regard était redevenu ce qu’il était auparavant. Mme Skewton était décidée à se charger de M. Carker et à lui montrer les beautés du château. Elle était résolue à avoir son bras ainsi que celui du major. Ce devait être, suivant elle, un moyen d’améliorer cette incorrigible créature qui, sous le rapport de l’art, était un affreux Vandale. Grâce à cette heureuse combinaison, M. Dombey put en toute liberté accompagner Edith : il marchait devant les autres à travers les appartements avec la majesté d’un vrai gentleman.

« Ils sont passés, monsieur Carker, ces temps heureux, dit Cléopatre, avec leurs ravissantes forteresses et ces chers donjons où sont ces charmantes places destinées aux supplices, ces vengeances romanesques, ces assauts et ces siéges pittoresques, enfin tout ce qui réellement peut rendre la vie attrayante. Ah ! nous avons terriblement dégénéré !

— Oui, nous sommes déchus d’une façon déplorable, » dit M. Carker.

Leur conversation avait cela de particulier que Mme Skewton, malgré ses mouvements d’enthousiasme et d’extase, et M. Car-