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d’elle dans une espèce de demi-jour salutaire à son âme, et lui composaient une aimable société. Elle regardait les petits enfants à la figure vermeille de la maison voisine ; c’était pour elle une sensation nouvelle et précieuse que de songer au plaisir qu’elle aurait désormais à leur parler et à les connaître ; elle ne craindrait plus de se montrer à eux, comme autrefois, lorsque vêtue de deuil elle avait peur qu’ils ne l’aperçussent assise là toute seule avec sa robe noire.

Au milieu des pensées consolantes que l’idée d’une nouvelle mère éveillait en elle, avec les sentiments d’amour et de confiance qui débordaient d’un cœur si pur pour se porter vers elle, Florence, loin d’oublier la première, la chérissait de plus en plus, sans craindre de lui opposer une rivale dans son affection.

Elle savait bien que cette nouvelle fleur de tendresse s’épanouissait sur la même tige et sortait de la même racine, racine profonde, depuis longtemps chère à son cœur. Chaque douce parole tombée des lèvres de la belle dame résonnait aux oreilles de Florence comme l’écho d’une voix restée muette depuis de longues années. En présence de ce nouveau sentiment de tendresse, tout ce qu’elle savait de l’amour d’une mère pouvait-il jamais s’effacer de son âme ?

Florence était un jour assise dans sa chambre ; elle lisait une histoire touchante, propre à éveiller sa sensibilité. Sa pensée se reporta naturellement sur la belle dame qui lui avait promis une visite prochaine, quand, levant les yeux, elle l’aperçut sur le seuil de la porte.

« Maman, s’écria Florence en courant joyeusement au-devant d’elle ; je vous revois enfin !

— Maman ! pas encore… reprit la dame avec un sourire austère en serrant Florence dans ses bras.

— Mais bientôt, dit Florence.

— Oui, Florence, ce sera bientôt, maintenant. »

Edith pencha un peu la tête, comme si elle voulait rapprocher sa joue de celle de Florence ; et, pendant quelques minutes, elle resta silencieuse. Il y avait quelque chose de si tendre dans ses manières, que Florence fut encore plus touchée que le jour de leur première entrevue.

Elle conduisit Florence vers une chaise près d’elle et s’assit ; Florence la regardait, remplie d’admiration pour sa beauté et laissant volontiers sa main dans les siennes.

« Avez-vous été bien seule, Florence, depuis que je ne vous ai vue ?