Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/158

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Puis il vit surgir, au rayon de la lumière, une petite figure couchée dans un fauteuil, qui le regardait d’un air étonné ; ses yeux étincelaient, et sa figure vieillotte brillait comme la flamme du foyer ; puis, auprès de cette figure, Florence, toujours Florence, absorbait toute son attention.

Qui mieux que lui pouvait expliquer le sens de cette apparition ? Florence était-elle jetée là comme le tourment perpétuel de sa vie ? Était-ce une rivale qui l’avait entravé dans sa marche et qui pouvait l’entraver encore ? Au milieu des heureux préparatifs de son mariage, était-ce une enfant qui venait réclamer à ce moment le cœur de son père, le droit de n’être pas rebutée plus longtemps ? Ou bien cette vision était-elle un avertissement pour lui de sauver au moins les apparences en s’occupant, aux yeux des étrangers, de cette jeune fille, son sang, après tout ? Il le sentait bien lui-même, sans vouloir s’arrêter à cette pensée ; mais il avait beau faire ; à l’image des pompeuses cérémonies du mariage, de l’autel, à tous ses rêves ambitieux, il y avait toujours une tache qui venait lui en gâter le plaisir, c’était Florence, toujours Florence. Aussi, pour se soustraire à ces songes confus, il quitta la chambre.

Il était déjà tard quand on apporta les flambeaux, car la lumière incommodait Mme Skewton ; c’était, du moins, ce qu’elle disait d’un ton dolent. Dans l’intervalle, Florence et Mme Skewton avaient causé ensemble (Cléopatre tenait tant à la garder près d’elle !) ; puis Florence avait joué sur le piano des amoroso pour le plaisir de Mme Skewton. Nous ne parlons pas des occasions qui se présentèrent dans la soirée, et dont l’affectueuse dame profita pour demander à Florence d’autres baisers, ce qui arrivait toujours quand Edith avait dit quelque chose. Ces occasions, pourtant, ne furent pas très-fréquentes, car Edith se tint assise à l’écart près d’une croisée ouverte pendant toute la soirée, et cela en dépit de la sollicitude de sa mère, qui craignait de la voir s’enrhumer, ce qui ne l’empêcha pas d’y rester jusqu’au moment où M. Dombey prit congé d’elles. Quand il se retira, il se montra gracieux et serein pour Florence, et Florence, en allant se coucher dans la chambre d’Edith, était si heureuse, si pleine d’espérance, que la vie qu’elle avait menée jusqu’alors n’était plus qu’un rêve pour elle, l’histoire ancienne d’une pauvre petite fille abandonnée qui avait eu bien des chagrins : et, par pitié pour elle, elle sanglotait encore quand elle s’endormit.

La semaine s’écoulait vite. C’étaient des courses chez les mo-