Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/168

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lieu et l’heure du déjeuner. L’impatience et l’agitation gagnent bien plus loin. De Ball-Pond, M. Perch amène Mme Perch pour passer la journée avec les domestiques de M. Dombey et les accompagner, en tapinois, au mariage.

Si nous nous transportons au logement de M. Toots, nous le voyons tiré à quatre épingles, comme s’il était le marié pour le moins : il est fermement résolu à contempler le brillant spectacle, d’un coin obscur de la galerie et à y conduire Coq-Hardi : il a même pris le parti désespéré de montrer Florence à Coq-Hardi et de lui dire sans détour : « Tenez, mon Coq, je veux pas vous tromper plus longtemps ; l’ami, dont je vous ai quelquefois parlé, c’est moi ; l’objet de ma passion c’est Mlle Dombey, quelle est votre opinion à cet égard, et que me conseillez-vous sur-le-champ ? » Coq-Hardi, avant cette épreuve qui va le faire tomber de son haut, plonge son bec dans un pot de bière double, dans la cuisine de M. Toots, et engloutit deux livres de filet de bœuf. Sur la place de la Princesse, miss Tox est aussi dans tous ses états ; car malgré le cruel chagrin qui la dévore, elle a pris le ferme parti de mettre un shelling dans les mains de Mme Miff et de voir la cérémonie, qui a pour elle un intérêt douloureux, de quelque coin retiré de l’église. Le quartier du Petit aspirant de marine est aussi en émoi : car le capitaine Cuttle, avec ses brodequins lacés et son énorme col de chemise, est en train de déjeuner, prêtant l’oreille à la voix de Robin le rémouleur, qui lui lit d’avance avec docilité la messe de mariage d’un bout à l’autre. Le capitaine tient à comprendre parfaitement la solennité à laquelle il doit assister. Dans ce but, il interrompt gravement son chapelain de temps à autre, suivant qu’il a compris ou non : « Passons, » dit-il, ou bien : « Répétez cet article, » ou bien encore : « Bornez-vous à votre office et laissez-moi les Amen : » et, quand Robin haletant s’arrête pour souffler, le capitaine de pousser avec satisfaction un vigoureux Amen.

Vingt bonnes d’enfants, dans la rue de M. Dombey seulement, ont promis à vingt petites femmes en herbe qui, depuis leur berceau, rêvent mariage, de les conduire à la cérémonie. Vraiment, M. Sownds le bedeau a de bonnes raisons pour se pavaner dans l’exercice de ses hautes fonctions, chauffant au soleil sa majestueuse figure sur les marches de l’église, en attendant l’heure du mariage. Et Mme Miff, comme elle fait bien de vous flanquer à la porte un bout de femme, qui vient avec un grand dada d’enfant dans ses bras regarder à la porte !