Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/169

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Le cousin Feenix est revenu de l’étranger tout exprès pour assister au mariage. Le cousin Feenix était un gaillard dans son temps, il n’y a pas plus d’une quarantaine d’années ; mais d’ailleurs il est si bien conservé, il se tient si droit qu’on est surpris d’apercevoir des rides cachées sur la figure de sa seigneurie et des pattes d’oie de chaque côté de ses yeux. On s’étonne qu’il ne traverse pas la chambre d’un pas bien assuré et qu’il aille toujours à côté de l’endroit où il veut se diriger. Mais le cousin Feenix, quand il se lève à sept heures et demie du matin ne ressemble guère au cousin Feenix quand il est levé et habillé. En ce moment, par exemple, il fait triste figure, entre les mains de son barbier qui le rase à Long-Hôtel, dans Bond-street.

M. Dombey quitte son cabinet de toilette et traverse une armée de femmes sur l’escalier qui se dispersent dans toutes les directions, en faisant retentir le frôlement de leurs robes : Mme Perch, seule, étant dans une situation intéressante, ce qui lui arrive perpétuellement, ne manœuvre pas si facilement : elle se rencontre nez à nez avec M. Dombey et manque de se trouver mal de honte en lui faisant la révérence. Dieu veuille que cet accident n’amène pas de suites douloureuses pour la maison Perch ! M. Dombey se promène dans son salon en attendant l’heure. Il est resplendissant avec son habit bleu, son pantalon ventre de biche et son gilet lilas. Le bruit même circule dans la maison que M. Dombey s’est fait friser.

Un double coup frappé à la porte annonce l’arrivée du major, resplendissant aussi, et portant un géranium tout entier à sa boutonnière ; il a les cheveux bien frisés, bien crépus ; son nègre n’est pas manchot.

« Eh bien, Dombey, dit le major en lui tendant les deux mains, comment vous portez-vous ?

— Et vous, major, comment cela va-t-il ?

— Par Jupiter, monsieur, dit le major, un jour comme celui-ci (là-dessus il se frappe violemment la poitrine), un jour comme celui-ci, Joe se sent de force, le diable m’emporte ! à faire deux mariages au lieu d’un, et à prendre la mère pour lui, monsieur. »

M. Dombey sourit, mais d’un sourire glacial, car M. Dombey sent qu’il va devenir le gendre de la mère ; il ne peut donc admettre qu’on parle d’elle d’un air si dégagé.

« Dombey, dit le major qui lit son embarras dans ses yeux, je vous félicite. Je vous congratule, Dombey. Par Dieu ! mon-