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Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/186

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capitaine qui regardait Robin d’un air sévère : il ne sait pas son alphabet. Va-t-en un brin et reviens après. Comprends-tu cela ?

— Oui, capitaine, dit Robin.

— À la bonne heure donc, fit le capitaine en se calmant. Eh bien ! voilà ! »

Pour mieux l’éprouver, le capitaine daignait quelquefois le soir, quand la boutique était fermée, lui faire répéter son rôle ; dans ce but, il se retirait dans la salle à manger, qui était censée le logement d’une Mme Mac-Stinger, et observait curieusement les mouvements de son compère, à travers l’espèce de meurtrière qu’il avait pratiquée dans le mur : Robin le rémouleur, toutes les fois qu’on le mettait à l’épreuve, remplissait son rôle avec une telle précision, un tact si merveilleux, qu’à diverses reprises le capitaine, pour lui témoigner sa satisfaction, lui mit dans la main une pièce de cinq francs ; et peu à peu il sentit naître dans son cœur la résignation d’un homme qui avait fait bonne provision de courage pour les mauvais jours, et qui avait pris toutes les précautions raisonnables pour résister aux coups de l’implacable destin.

Néanmoins, le capitaine ne voulut pas trop tenter la mauvaise fortune, ni s’aventurer à sortir plus qu’il ne l’avait fait jusque-là. Cependant il avait cru que ce serait un bon procédé de sa part, en sa qualité d’ami ordinaire de la famille, d’assister à la cérémonie du mariage de M. Dombey, mariage qui lui avait été annoncé par M. Perch, et de lui montrer du haut de la galerie un visage riant et congratulatoire. Donc, pour se conformer aux devoirs de la politesse, il s’était rendu à l’église au fond d’un fiacre, dont les stores étaient complètement baissés. Il aurait hésité même à se montrer aussi hardi, s’il n’avait su combien les croyances de Mme Mac-Stinger, qui suivait le révérend Melchisédech, rendaient invraisemblable sa rencontre dans cette église.

Le capitaine revint sain et sauf ; il reprit le train ordinaire de sa nouvelle existence, sans être alarmé autrement que par les chapeaux de femme qui passaient journellement dans la rue. Mais d’autres soucis encore pesaient sur le cœur du brave capitaine. Pas de nouvelles du vaisseau de Walter. Pas de nouvelles du vieux Solomon Gills. Florence ne savait même rien de la fuite du vieillard, et le capitaine Cuttle n’eut pas le courage de lui en parler. Il faut l’avouer ; voyant que les espérances qu’il avait fondées sur le généreux Walter, sur ce