Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/187

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beau jeune homme au cœur tendre et amoureux, qu’il avait chéri à sa façon dès son enfance, commençaient à s’évanouir de jour en jour, l’honnête capitaine commençait aussi à renoncer avec un regret bien naturel à l’idée d’échanger désormais la moindre parole avec Florence. Ah ! s’il avait eu de bonnes nouvelles à lui porter, il aurait bravé la maison fraîchement décorée, magnifiquement meublée : et pourtant la pensée de la nouvelle maison Dombey, jointe au souvenir qu’il avait conservé de la dame qu’il avait vue à l’église, était quelque chose de terrible pour lui ; mais, pour porter une bonne nouvelle à Florence, il aurait tout bravé et se serait frayé un chemin jusqu’à elle. Dans la nuit profonde, au contraire, qui engloutissait leurs communes espérances et qui jetait un sombre voile sur tous les instants de son existence, le capitaine semblait croire qu’il ne serait pour elle qu’un nouveau sujet d’affliction et de désespoir, et une visite de Florence elle-même l’aurait effrayé presque autant qu’une visite de Mme Mac-Stinger en personne.

C’était par une froide et sombre soirée d’automne : le capitaine Cuttle avait ordonné d’allumer du feu dans la petite salle à manger, qui, maintenant plus que jamais, ressemblait à la cabine d’un bâtiment. La pluie tombait dru et la bise soufflait fort. Quand le capitaine, en passant par la chambre à coucher de son vieil ami, exposée à tous les vents, monta au sommet de la maison pour prendre connaissance du temps, il sentit défaillir son cœur en présence de cette scène de triste désolation. S’il sentit défaillir son cœur, ce n’était pas qu’il fît un rapprochement entre ce temps affreux et la destinée du pauvre Walter ; ce n’était pas non plus qu’il doutât que, si la Providence l’avait condamné, ce ne fût fait depuis longtemps ; mais il subissait en ce moment une influence extérieure complètement distincte de celle que ses réflexions pouvaient exercer sur lui : son courage était anéanti et ses espérances disparaissaient, comme cela s’est vu et se verra encore chez des gens qui en savent plus long que le capitaine Cuttle.

La figure tournée contre le vent impétueux et fouettée par la pluie, il regardait ce déluge qui inondait les toits des maisons ; il cherchait, mais en vain, quelque chose qui pût l’égayer. La vue des objets qui l’entouraient ne valait guère mieux. Près de lui il voyait des caisses à thé couvertes de poussière, ou d’autres boîtes sur lesquelles les pigeons de Robin le rémouleur roucoulaient comme une brise plaintive. Un