Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/196

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M. Toots demeurait silencieux, s’occupant à plier et replier le journal sur ses genoux, comme s’il avait gagé avec quelqu’un de le faire tenir dans une bonbonnière.

« Et Sol Gills, dit le capitaine, les yeux toujours fixés sur le feu ; pauvre oncle sans neveu, où êtes-vous allé ? vous m’aviez été confié ; car les dernières paroles du pauvre naufragé furent celles-ci : Prenez soin de mon oncle. Qu’êtes-vous devenu, Sol ? Que vous est-il arrivé, Sol, quand vous êtes parti en disant adieu à Édouard Cuttle ? Que puis-je lui dire de vous, maintenant qu’il regarde du haut du ciel ? Sol Gills ! Sol Gills ! dit le capitaine en secouant sa tête lentement ; et dire que, quand ce journal vous passera sous les yeux, vous ne serez pas seulement chez vous, avec un ami qui ait connu Walter, et qui puisse en parler avec vous ! Quand vous allez recevoir de moi ce paquet, il ne vous restera plus qu’à piquer une tête de désespoir. »

Poussant un profond soupir, le capitaine se tourna du côté de M. Toots, et finit par se rappeler la présence du jeune homme.

« Mon garçon, dit le capitaine, il faut dire carrément à la jeune personne que ces nouvelles ne sont que trop exactes. Voyez-vous, on ne s’amuse pas à fabriquer des histoires comme celles-là. C’est en toutes lettres sur le livre de loch, et c’est le livre le plus véridique qu’on puisse écrire. Demain matin, dit le capitaine, je mettrai le pied dehors et j’irai prendre des informations, qui n’aboutiront très-probablement à rien de bon : ce n’est pas possible. Si vous repassez ici dans l’après-midi, donnez un coup d’œil dans la boutique et je vous dirai ce que j’aurai appris ; mais dites à la jeune personne de la part du capitaine Cuttle que tout est fini, bien fini… »

Le capitaine, ôtant son chapeau avec son croc en retira son mouchoir, essuya ses cheveux gris d’un air désespéré et y renfonça son mouchoir avec le plus profond découragement.

« Je vous assure, dit M. Toots, que je suis en vérité bien désolé de tout cela. Parole d’honneur, je suis désolé, quoique je ne connaisse pas le jeune homme en question. Pensez-vous que Mlle Dombey soit bien affectée, capitaine Gills… M. Cuttle, veux-je dire ?

— Que le bon Dieu vous bénisse ! reprit le capitaine quelque peu touché de compassion pour l’innocence de M. Toots. Si elle sera affectée ! Quand elle n’était pas plus haute que ça, ils s’aimaient à la folie comme deux jeunes tourtereaux.