Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/200

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il s’agit monsieur Carker : Avant le départ de ce pauvre ami, qui s’est embarqué pour obéir à des ordres positifs, il m’a dit qu’il ne partait pas pour son intérêt, pour son avancement dans la maison, qu’il le savait. Moi, je croyais qu’il se trompait, et je lui dis ma façon de penser ; je vins ici en l’absence de votre chef, pour vous adresser très-poliment, et dans le but de me tranquilliser, une ou deux questions. À ces questions vous avez répondu très-franchement. Maintenant que le mal est fait, et il faut « savoir endurer ce qu’on ne peut empêcher, » (vous qui êtes un malin, vous n’ignorez pas où se trouve cette citation ; cherchez et prenez-en note) maintenant, dis-je, pour me soulager la conscience, j’aurais besoin de savoir, en un mot comme en mille, si par hasard je n’ai pas fait une brioche ; si je n’aurais pas mieux fait de dire au vieillard le secret que m’avait confié Walter ; si véritablement en voguant pour le port de la Barbade, il s’en allait bon vent, bonnes voiles. Monsieur Carker, dit le capitaine dans toute la franchise de son innocence, la dernière fois que nous nous sommes vus, nous nous sommes plu tous les deux ; si je ne suis pas tout à fait aussi gai ce matin, à cause du malheur survenu à mon pauvre ami, et si quelqu’une de mes réflexions a pu vous offenser, je m’appelle Édouard Cuttle et je vous demande pardon.

— Eh bien ! capitaine Cuttle, reprit le gérant avec toute la politesse possible, je vous demanderai de m’accorder une faveur.

— Laquelle, monsieur ? demanda le capitaine.

— De sortir d’ici, s’il vous plaît, reprit le gérant en lui montrant la porte, et d’aller porter ailleurs votre jargon. »

Il n’y eut pas, sur toute la figure du capitaine, une seule verrue qui ne pâlit d’étonnement et d’indignation ; jusqu’à la raie rouge qu’il portait au front qui disparut, comme l’arc-en-ciel, au milieu des nuages qui s’amoncellent.

« Écoutez, capitaine Cuttle, dit le gérant en le menaçant du doigt, et il lui montrait ses dents de son air le plus aimable, j’ai été beaucoup trop indulgent pour vous la dernière fois que vous êtes venu. Vous appartenez à une catégorie de gens qui me manquent ni d’astuce ni d’audace. Dans le désir que j’avais d’empêcher votre jeune homme d’être renvoyé de sa place à coups de pieds dans le derrière, mon bon capitaine, je vous ai supporté. C’est bon une fois, mais deux, c’est trop. Maintenant, allez, mon ami. »

Le capitaine fut littéralement cloué au plancher ; sa langue me pouvait plus remuer.