Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/201

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« Allez, dit le gérant toujours gracieux en soulevant de ses mains les pans de son habit et tenant ses jambes écartées devant la cheminée, allez, cœur sensible, et dépêchez-vous, si vous ne voulez pas que nous en venions à des moyens trop violents. Si M. Dombey était ici, capitaine, vous pourriez bien sortir d’une manière un peu plus ignominieuse. Je me contente de vous dire : allez-vous-en. »

Le capitaine, posant sa lourde main sur sa poitrine comme pour s’aider à reprendre haleine, toisa M. Carker de la tête aux pieds et promena ses regards autour du cabinet, comme s’il ne savait pas trop où il se trouvait ni avec qui.

« Vous avez beau être un profond scélérat, capitaine Cuttle, continua M. Carker avec l’aisance d’un homme du monde qui connaît trop bien les hommes pour se laisser déconcerter par la découverte d’une trahison, surtout quand elle ne le touchait pas directement, tout profond que vous êtes, la sonde en saura bien trouver le fond. Ce que je dis là pour vous, je le dis aussi pour votre ami absent, mon officier. Qu’avez-vous fait avec votre ami, capitaine ? Hein, qu’avez-vous fait ? »

Le capitaine mit encore sa main sur sa poitrine. Après avoir poussé un profond soupir, il se dit à lui-même :

« Allons, Cuttle, tiens bon ! mon garçon. »

Mais il le dit si bas qu’on ne l’entendit pas.

« Il paraît que vous machinez de jolis petits complots, que vous tenez de jolis petits conciliabules, que vous donnez de jolis petits rendez-vous, enfin que vous recevez aussi de jolies petites visites, capitaine, hein ? dit Carker en abaissant son regard sur lui et en montrant toutes ses dents ; mais c’est être un peu effronté que de remettre le pied ici après une telle conduite. Au moins, auriez-vous dû montrer plus de discrétion. Pour des gens qui conspirent en secret, qui débauchent les enfants et les attirent dans leur piège, vous n’êtes pas encore bien malins. Voulez-vous me faire le plaisir de vous en aller ?

— Mon jeune garçon, dit le capitaine en faisant tous ses efforts pour ouvrir la bouche, tant sa voix était étouffée et tremblotante, et en serrant convulsivement son poing, j’aurais bien des choses à vous dire, mais, en ce moment, je n’ai pas assez la tête à moi pour mettre en ordre mes idées, parce que, voyez-vous, c’est seulement d’hier au soir, à mon compte, que mon jeune ami Walter s’est noyé, et j’en ai la tête perdue, vous pensez bien. Mais nous sommes gens de revue ; nous nous