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dans la cour, dans la rue, à la Bourse, les dents de M. Carker brillèrent dans tout leur éclat. Cinq heures arrivèrent bientôt ainsi que le cheval bai de M. Carker, et M. Carker monta à cheval avec ses dents, qu’il continua à faire voir le long de Cheapside.

À cette heure il n’est pas facile, même quand on le voudrait, d’aller vite à cheval à travers la foule et les obstacles de la Cité ; mais M. Carker ne tenait pas à aller vite et il mit son cheval au petit pas, choisissant son chemin à travers les chariots et les voitures, évitant surtout, autant que possible, les endroits humides et sales des rues boueuses par lesquelles il passait, et se donnant mille peines pour se conserver lui et son coursier à l’abri de toute souillure. Son cheval allait l’amble ; M. Carker regardait les passants, quand tout à coup il rencontra les yeux ronds de la tête luisante de Robin, qui semblait ne l’avoir pas perdu de vue un instant ; le jeune garçon s’était ceint les reins de son mouchoir de poche, roulé comme une anguille, sans doute pour mieux se mettre en mesure de suivre M. Carker, quelle que fût son allure.

Cette attention, très-flatteuse sans doute pour M. Carker, avait quelque chose d’insolite qui ne tarda pas à attirer les regards des autres passants : aussi profita-t-il d’un passage et d’une rue plus propres pour prendre le trot. Robin prend immédiatement aussi le trot ; M. Carker met son cheval au grand galop, Robin le suit toujours ; puis au petit galop ; peu importe, Robin est toujours là. Toutes les fois que M. Carker tournait les yeux du côté de Toodle, il le voyait toujours tenant le même pas que lui, sans fatigue apparente, et travaillant des coudes en courant, d’après la méthode généralement adoptée par les gens qui font profession de courir par gageure.

Il y avait sans doute quelque chose de risible dans cette assiduité du jeune Toodle à suivre ainsi M. Carker ; mais c’était une preuve de l’influence que son protecteur avait déjà sur lui ; il feignit donc de n’y point faire attention et continua sa route du côté de la demeure des Toodle. Comme il ralentissait sa marche, Robin passa devant lui pour lui indiquer les détours, les rues à prendre, et quand il appela un homme placé devant une porte cochère pour garder son cheval durant la visite qu’il allait faire dans les nouvelles bâtisses qui avaient succédé à Staggs-Garden, Robin était à son poste pour tenir l’étrier à M. Carker pendant qu’il descendait de cheval.