Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/249

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jeter un coup d’œil sur quelques petits bosquets qu’il avait là, sur quelque humble plate-bande, sur une petite serre à ananas et sur deux ou trois petites bagatelles du même genre. »

Pour jouer son rôle jusqu’au bout, il se mettait fort simplement. Il portait un énorme mouchoir de batiste en cravate, de gros souliers, un habit qui lui était trop large, un pantalon trop étroit. Mme Skewton ayant parlé de l’Opéra, il dit qu’il y allait très-rarement, qu’il ne pouvait pas se permettre d’y aller plus souvent. Il semblait prendre un plaisir et un amusement extrêmes à se faire ainsi tout petit, pour se faire mieux valoir, et à chaque trait de modestie du même genre, il rayonnait ensuite sur son auditoire, les mains dans ses goussets, les yeux tout pétillants de satisfaction.

Enfin Mme Dombey entra belle et fière : son regard dédaigneux semblait défier tout le monde comme si la couronne de mariée, posée sur son front, était une guirlande de pointes d’acier enfoncées dans sa tête pour la faire plier, mais sans succès : elle aurait mieux aimé mourir plutôt que de céder. Elle était accompagnée de Florence. Quand elles entrèrent ensemble, le visage de M. Dombey s’assombrit comme le soir du retour. Mais ni l’une ni l’autre ne s’en aperçut ; Florence n’osait lever les yeux de son côté, et l’indifférence d’Edith était trop grande pour qu’elle s’occupât de lui.

Les invités arrivèrent bientôt en foule. Des directeurs, des chefs de compagnies, de vieilles dames qui portaient de vrais paquets sur leur tête en guise de coiffure, toutes amies de Mme Skewton, au teint fleuri comme elle, et comme elle, chargeant de colliers d’un grand prix leur cou, qui n’en avait plus pour personne ; puis le cousin Feenix et le major Bagstock. Parmi les dames, il y avait une jeunesse de soixante-cinq ans, si légèrement vêtue qu’elle devait avoir bien froid au dos et aux épaules : elle parlait en minaudant, ne pouvait lever les yeux sans rougir, et ses manières avaient ce charme indéfinissable qui s’attache à l’étourderie du jeune âge. Comme la plupart des invités de M. Dombey étaient taciturnes, et que la plupart des invités de Mme Dombey étaient fort bavards, il n’y avait guère entre eux de sympathie. La liste de Mme Dombey, comme par un effet magnétique, forma une ligue contre la liste de M. Dombey. Les invités de M. Dombey, errant de chambre en chambre d’un air désespéré, ou cherchant un refuge dans les coins, s’embarrassaient dans les jambes de ceux qui entraient, se barricadaient derrière les sofas, recevaient