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Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/268

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paralysie se joua de nouveau, au milieu des roses artificielles ; on eût pris la voiture pour un hôpital de retraite à l’usage des zéphirs octogénaires. Mme Skewton avait donc assez à penser, sans se préoccuper d’autre chose.

Elle n’alla pas mieux vers le soir. Quand Mme Dombey se fut habillée dans sa chambre, et l’eut attendue pendant une demi-heure ; que M. Dombey, dans le salon, se fut promené avec une impatience solennelle, car tous trois devaient aller dîner en ville, Flowers, la femme de chambre, apparut toute pâle devant Mme Dombey, en disant :

« Je vous demande bien pardon, madame, mais je ne puis rien faire de ma maîtresse.

— Que voulez-vous dire ? demanda Edith.

— Ah ! madame, répliqua la femme de chambre épouvantée, je ne sais pas moi-même ce que cela veut dire ; elle fait des grimaces ! »

Edith se précipita avec elle vers la chambre de sa mère. Cléopatre était en grande toilette avec ses diamants, ses manches courtes, son rouge, ses papillottes, ses fausses dents et toute sa mise de jeune personne au grand complet. Mais elle n’avait pu avec tout cela donner le change à la paralysie, qui était venue la réclamer comme sa proie, et la frapper juste devant son miroir, où elle était encore comme une affreuse poupée qui vient de se casser en tombant.

On la démonta pièce par pièce, sans vergogne, et on plaça sur le lit le peu de réel qui restait encore d’elle. On envoya chercher les médecins, qui arrivèrent bientôt ; on eut recours à des remèdes énergiques ; le résultat de la consultation fut qu’elle se relèverait de cette attaque, mais que, si elle en avait une autre, elle n’y survivrait pas. Elle resta là bien des jours, sans recouvrer la parole, les yeux fixés au plafond. Quelquefois elle faisait entendre des sons inarticulés, quand on lui demandait si elle reconnaissait les personnes qui étaient auprès d’elle ; d’autres fois on n’obtenait d’elle ni le moindre signe ni le moindre geste, pas même un mouvement de sa prunelle.

À la fin, elle commença à recouvrer le sentiment et même un peu le mouvement. Mais la parole ne lui était pas encore revenue. Un jour, elle retrouva l’usage de sa main droite, et la montrant à sa femme de chambre, qui ne la quittait pas d’une minute, elle parut intérieurement agitée et parvint à faire comprendre par ses gestes qu’elle voulait un crayon et