Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/75

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notre vieille demeure. Il n’y a pas de dettes ; le prêt, fait par la maison Dombey, a été remboursé, et toutes mes clefs, je vous les envoie avec le paquet. Gardez le tout tranquillement, et ne faites pas de recherches pour me trouver, c’est inutile. Ainsi, mon cher Édouard, qu’il ne soit plus question de votre fidèle ami.

« Solomon Gills. »

Le capitaine, reprenant haleine, poussa un long soupir et lut les mots suivants écrits au bas de la lettre :

« Le jeune Robin a été bien recommandé, comme je vous l’ai dit, par la maison Dombey. Quand on viendrait à mettre tout le reste à l’encan, prenez soin, cher Édouard, du petit aspirant de marine. »

Je renonce à donner une idée de l’attitude que prit le capitaine en s’asseyant sur sa chaise. Il tourna, retourna la lettre, la lut une vingtaine de fois, et le malheureux Robin devant ses yeux, il s’imaginait, je crois, présider un conseil de guerre. Personne ne pourrait décrire l’air du capitaine, quand on aurait le génie combiné de tous ces grands hommes qui, méprisant leurs contemporains, médiocres appréciateurs de leur mérite, en ont appelé à l’approbation future de la postérité qui ne s’est pas occupée d’eux. Dans le premier moment, le capitaine était troublé, trop affligé, pour penser à autre chose qu’à la lettre elle-même, et, lorsque son esprit voulut examiner les circonstances qui entouraient le fait principal, il aurait aussi bien fait de s’en tenir à la lettre, tant ses pensées jetaient peu de jour sur les événements. Dans cette disposition, le capitaine Cuttle, ne voyant devant son tribunal que le rémouleur, et rien que le rémouleur, trouva un grand soulagement à décider premièrement que Robin était suspect : cette accusation, le capitaine la portait écrite si clairement sur son visage, que Robin chercha à se disculper.

« Oh ! capitaine, s’écria le rémouleur, ne me soupçonnez pas. Comment pouvez-vous me soupçonner ? Pourquoi me regarder comme ça ?

— Mon garçon, fit le capitaine, ne crie pas avant d’être écorché. Attention à ce que tu vas dire.

— Je n’ai rien à dire du tout, capitaine, répondit Robin.

— Allons, démarre, dit le capitaine énergiquement, et au large ! »

Pénétré de l’immense responsabilité qui pesait sur lui et de la nécessité de sonder cette mystérieuse affaire, comme il convenait à un homme dans sa position respective avec les par-