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— Est-ce qu’il y a du nouveau, capitaine ? dit Robin en bâillant.

— Non, non, fit le capitaine Cuttle changeant de couleur et écoutant un pas dans la rue ; mais, fais bien attention à ce que je vais te dire : si une dame, excepté l’une ou l’autre de celles que tu as vues l’autre jour, vient demander après le capitaine Cuttle, dis hardiment que tu ne connais personne de ce nom-là, et que tu n’en as jamais entendu parler ici. Attention à mes ordres, entends-tu bien ?

— J’y ferai attention, capitaine, répliqua Robin.

— Tu peux dire, si tu veux, ajouta le capitaine en hésitant un peu, que tu as lu dans le journal qu’un capitaine de ce nom-là était parti pour l’Australie, comme émigré, avec toute une cargaison d’aventuriers qui ont bien fait le serment de ne plus jamais revenir. »

Robin fit signe qu’il comprenait ces instructions, et le capitaine Cuttle, lui promettant de faire quelque chose de lui s’il exécutait ses ordres, le renvoya encore bâillant à son lit sous le comptoir et monta, lui, à la mansarde de Solomon Gills.

Ce que souffrit le capitaine le lendemain, quand un chapeau de femme passait dans la rue, serait difficile à dire : il se sauvait de la boutique pour échapper à une foule de Mac-Stinger imaginaires et courait chercher un refuge dans la mansarde de Sol Gills. Mais, pour éviter les fatigues que lui imposaient tous ces moyens de conservation personnelle, il mit un rideau à la porte vitrée qui faisait communiquer la salle à manger avec la boutique ; dans le trousseau qu’on lui avait remis, il choisit une clef qui pût aller à la serrure et pratiqua une petite meurtrière à la muraille. On comprend facilement l’avantage d’une pareille fortification. À la première apparition d’un chapeau, le capitaine, immédiatement, se glissait dans son fort, donnait un tour de clef, et, ainsi protégé, observait de là l’ennemi. Si c’était une fausse alerte, le capitaine aussitôt sortait de sa retraite. Mais les chapeaux de la rue étaient si nombreux et partant les alertes si multipliées, que le capitaine passait presque tout son temps à entrer dans la salle à manger et à en sortir.

Cependant le capitaine, malgré ce fatigant service, trouva le temps d’examiner le fonds de boutique. La connaissance générale qu’il avait de tous les objets l’avait amené à croire (ce qui était très-pénible pour Robin) qu’on ne saurait trop les frotter ni leur donner trop de brillant. Il étiqueta au hasard