Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 3.djvu/151

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À ce moment, le capitaine Cuttle se rappelant, par une singulière association d’idées, qu’il n’y avait pas de bon médecin sans montre, retira la sienne de la cheminée et la fixa à son croc ; puis, prenant la main de Florence dans la sienne, ses yeux allèrent de la montre à Florence, comme s’il eût espéré du cadran quelque bon office.

« Comment vous va, ma mignonne ? Comment vous va, maintenant ? dit le capitaine. C’est bien ça, ma vieille, dit le capitaine tout bas en jetant un regard de satisfaction sur sa montre, je crois que tu lui as fait du bien ! Pour peu qu’on te retarde d’une demi-heure chaque matin, et qu’on t’avance d’un quart d’heure dans l’après-midi, tu es une montre qui n’a pas sa pareille. Comment va, ma charmante ?

— Cuttle, est-ce vous ? s’écria Florence en se soulevant un peu.

— Oui, oui, ma charmante ! dit le capitaine, en se décidant tout à coup pour cette forme de langage qui lui sembla la plus courtoise.

— L’oncle de Walter est-il ici ? demanda Florence.

— Ici, ma mignonne ? répondit le capitaine. Il n’a pas mis le pied ici depuis bien longtemps. On n’en a pas entendu parler depuis qu’il a filé après le pauvre Walter ; mais, dit le capitaine, par manière de citation, loin des yeux, mais près du cœur ! toujours cher à l’Angleterre, à son foyer et à la beauté.

— Demeurez-vous ici ? demanda Florence.

— Oui, ma charmante, répondit le capitaine.

— Ô capitaine Cuttle, s’écria Florence en joignant ses mains et parlant d’un air égaré, sauvez-moi, gardez-moi ici, que personne ne sache que je suis ici ! Je vous dirai ce qui m’est arrivé tout à l’heure, quand je le pourrai. Je n’ai personne au monde chez qui je puisse aller, ne me renvoyez pas !

— Vous renvoyer, ma charmante ! s’écria le capitaine, vous les délices du cœur. Attendez un brin ! nous allons faire petit jour ici et donner un tour de clef. »

En disant ces mots, le capitaine, se servant de sa main unique et de son croc avec la plus grande dextérité, va chercher le volet de la porte, le pose à sa place, l’assujettit solidement et ferme à clef.

Quand il revint à côté de Florence, elle lui prit la main et la baisa. Elle était donc bien abandonnée ! c’était un appel adressé à son cœur ! Quelle confiance en lui ! La tristesse inexprimable de son visage, la douleur qu’elle avait ressentie