et qu’elle ressentait encore, ce qu’il se rappelait de son histoire passée, son abandon en ce moment, son état désespéré, tout cela toucha tellement le bon capitaine qu’il se sentit ému de tendresse et de pitié.
« Ma charmante, dit-il en se frottant le nez avec la manche de son habit, jusqu’à ce qu’il fût aussi luisant qu’une plaque de cuivre bien polie, ne dites plus un mot à Édouard Cuttle, avant de vous sentir tout à fait à votre aise, ce qui ne sera ni aujourd’hui ni demain. Pour ce qui est de vous renvoyer ou de dire où vous êtes, non, certainement, avec l’aide de Dieu ! je ne le ferai pas. En vérité, je vous le dis. Notez cela, c’est dans le catéchisme. »
Ceci fut prononcé par le capitaine d’une seule haleine et de l’air le plus solennel. Il ôta son chapeau au moment où il dit : « En vérité, je vous le dis, » et le remit sur sa tête quand il eut fini.
Florence ne pouvait que le remercier et lui témoigner toute la confiance qu’elle avait en lui. Elle le fit. Se serrant contre cette écorce grossière, le dernier asile de son cœur souffrant, elle appuya sa tête sur l’épaule de l’honnête homme, lui passa le bras autour du cou, et se serait agenouillée devant lui pour le remercier, si, devinant son dessein, il ne l’eût relevée en galant chevalier.
« Droit ! dit le capitaine, droit ! vous êtes encore trop faible pour vous tenir debout, vous voyez, ma mignonne, et vous pourriez chavirer encore ! Allons ! allons ! restons là. » Il fallait voir le capitaine la poser sur le sofa et la couvrir de son grand manteau ; c’est un spectacle qui en valait bien d’autres.
« Et maintenant, dit le capitaine, vous allez déjeuner, ma charmante, et le chien aura sa part aussi. Et puis après, vous monterez là-haut dans la chambre du vieux Solomon Gills, et vous y dormirez comme un petit ange ! »
Le capitaine Cuttle caressa Diogène quand il parla de lui, et Diogène accueillit d’un air à moitié gracieux les avances de son bienfaiteur. Pendant tout le temps que le capitaine avait cherché à la faire revenir à elle, l’animal était évidemment combattu par deux désirs contraires : le désir de s’élancer sur le capitaine ou de lui offrir son amitié ; il avait exprimé l’alternative dans laquelle il se trouvait, soit en agitant sa queue, soit en montrant les dents, soit en grognant de temps en temps.