tousser, et pénétra dans ses yeux qu’elle aveugla en le faisant pleurer.
Il était vraiment curieux de le voir chercher à faire croire que la cause de sa toux et de ses larmes était cachée dans le fond de sa pipe. Il regarda dans le fourneau, et, n’y trouvant rien, il se mit à souffler dans le tuyau. Quand la pipe se remit à marcher, il tomba dans l’état de béatitude particulier aux bons fumeurs, mais il resta les yeux fixés sur Florence, avec un calme heureux impossible à décrire. De temps en temps, il s’arrêtait pour laisser échapper un nuage de fumée de ses lèvres par petites bouffées : on eût dit une devise enroulée sortant de sa bouche et portant écrits ces mots en légende : « Le pauvre Walter, hélas ! hélas ! il est noyé, n’est-ce pas ? » Après quoi, il se remettait à fumer avec un bonheur infini.
Les deux pendants ne se ressemblaient guère. Pouvait-il y avoir un contraste plus frappant que la beauté et la jeunesse de Florence à côté de la figure rugueuse du capitaine Cuttle, à la grosse voix, à la large carrure, et aux robustes épaules qui avaient résisté à plus d’une tempête ? Et cependant, malgré ces différences extérieures, ils se ressemblaient par leur naïve ignorance du monde, de ses troubles et de ses dangers. Pas un enfant ne pouvait égaler le capitaine Cuttle dans son inexpérience de toute autre chose que le vent et le temps : ni en naïveté, en confiance, en fidélité généreuse. La foi, l’espérance et la charité se partageaient son être tout entier. Avec elles pourtant se glissait dans son cœur quelque chose de romanesque. L’imagination n’en faisait pas les frais ; c’était un sentiment romanesque étranger aux habitudes du monde réel, à toute considération de prudence ou d’application pratique, le romanesque enfin des cœurs simples et bons.
Ainsi, pendant que le capitaine fumait et regardait Florence, Dieu sait quels rêves impossibles, dont elle était le principal objet, se présentaient à son esprit. Bien que les pensées de la vie qui s’ouvrait devant elle fussent vagues et incertaines aussi, mais bien moins ambitieuses, ses larmes décomposaient le rayon de lumière qu’elle regardait et déjà à travers son chagrin elle voyait à l’horizon lointain briller l’arc-en-ciel. La princesse errante du conte de la Belle et la Bête, et son aimable monstre, assis au coin du feu, et faisant ensemble la conversation, comme le capitaine Cuttle et la pauvre Florence, n’auraient pas été trop mal représentés par ce touchant tête-à-tête.