Il a dit positivement qu’on acquittera ou peu s’en faut les dettes de la maison, que les créanciers ne perdront presque rien. Ah ! miss Henriette ! on devrait bien se rappeler plus souvent que nous ne le faisons que les vices sont quelquefois des vertus poussées à l’excès. Son orgueil nous le prouve en cette circonstance. »
Elle l’écoutait toujours d’un air aussi riant, et en l’écoutant ou plutôt en ayant l’air de l’écouter, elle était toute distraite, comme si elle était à la poursuite d’une idée. Quand il eut fini de parler, elle lui demanda avec vivacité :
« Y a-t-il longtemps que vous ne l’avez vu ?
— Personne ne le voit. Quand ses malheureuses affaires le forcent à sortir de chez lui, il s’y décide avec peine, rentre ensuite à la maison, s’y enferme et ne veut voir personne. Il m’a écrit une lettre d’adieu, dans laquelle il place plus haut qu’ils ne le méritent les services que j’ai rendus à la maison. Il m’en coûte de le gêner de ma présence, n’ayant eu jamais avec lui beaucoup de rapports dans des temps meilleurs ; j’ai pourtant cherché à le voir, je lui ai écrit, je me suis présenté en personne, j’ai insisté : tout a été inutile. »
Il la regardait dans l’espérance qu’il lui verrait enfin montrer plus de sympathie qu’elle ne l’avait fait jusqu’alors, et parlait d’un ton grave et ému pour l’attendrir davantage ; mais non, l’expression de sa physionomie ne changeait pas.
« Allons ! allons ! miss Henriette, dit-il, d’un air contrarié ; il ne s’agit pas de cela. Ce n’est pas pour entendre tout cela que vous êtes venue ici, vous avez sans doute quelque sujet plus agréable. Faites-m’en part, et nous nous entendrons mieux. Voyons, j’écoute.
— Non, le sujet qui m’occupe est le même, répondit Henriette avec un mouvement de naïve surprise. Est-ce que cela ne doit pas être ? Est-ce qu’il n’est pas naturel que John et moi nous ayons pensé à tous ces grands changements et que nous en ayons longuement parlé ? M. Dombey, chez lequel mon frère a été employé tant d’années, vous savez comment, M. Dombey est réduit à la misère, comme vous le dites, et nous, nous sommes immensément riches ! »
Ce visage si plein de bonté, de franchise, ce visage que M. Morfin, le célibataire aux yeux en amande avait trouvé si charmant depuis qu’il l’avait vu, lui plaisait moins en ce moment qu’il le voyait radieux et triomphant.
« Je n’ai pas besoin de vous rappeler, dit Henriette en mon-