trant des yeux ses vêtements de deuil, comment notre position a changé. Vous n’avez pas oublié que notre frère James, dans ce jour terrible, n’a laissé aucun testament, et que nous étions ses seuls parents. »
Ce visage lui plut davantage malgré sa pâleur et sa tristesse. Il respira plus librement.
« Vous savez, dit-elle, notre histoire, l’histoire de mes deux frères et les rapports qu’ils ont eus avec cet infortuné M. Dombey, dont vous avez parlé avec tant de vérité. Vous savez combien nos besoins à John et à moi sont restreints ; combien l’argent nous est inutile après la vie que nous avons menée ensemble depuis tant d’années, maintenant surtout que, par votre bonté, il a obtenu une place qui nous procure un revenu suffisant. Vous commencez à comprendre la faveur que je viens vous demander, n’est-ce pas ?
— Je ne sais. Il y a un instant, je croyais comprendre. Je crois maintenant que je n’y suis plus.
— Je ne dis rien de mon frère qui n’est plus. Si les morts savent ce que nous faisons… mais vous me comprenez ; quant au frère qui me reste, j’aurais beaucoup à vous dire à son éloge ; mais qu’ai-je besoin de vous en dire davantage, sinon que le devoir pour lequel votre secours m’est indispensable, est sacré pour lui et qu’il n’aura de repos qu’après l’avoir accompli. »
Et l’expression de joie qui éclairait sa figure la fit trouver bien belle aux yeux qui l’observaient fixement.
« Cher monsieur, continua Henriette, il faut que cela soit fait sans bruit et en secret. Votre expérience et vos relations avec M. Dombey vous suggéreront les moyens qu’il sera bon d’employer. Par exemple, on pourrait laisser croire à M. Dombey que, par le plus grand des hasards, quelque chose a pu échapper au naufrage de sa fortune ; ou encore que c’est un hommage volontaire adressé à son caractère honorable et élevé par quelques-unes des personnes avec lesquelles il a fait de grandes affaires ; ou enfin que c’est le payement d’une vieille dette. Il doit y avoir plusieurs moyens. Je sais que vous choisirez le meilleur. La faveur que je suis venue vous demander c’est de vouloir bien nous aider à réussir, avec votre caractère si bon, si généreux, si judicieux. Je vous en prie, n’en parlez jamais à John, dont le plus grand bonheur dans cet acte de restitution, est de l’accomplir secrètement, sans qu’on le sache, sans qu’on l’en loue. Qu’on ne nous réserve