qu’une très-petite partie de l’héritage qui passera tout entier en usufruit entre les mains de M. Dombey sa vie durant, et surtout gardez-nous fidèlement notre secret, j’y compte. À partir d’aujourd’hui, qu’il reste entre nous, et n’en parlons ensemble, par occasion, que le moins possible. Pour moi, si je veux y penser toujours, c’est parce que j’y trouverai une raison de plus de remercier le ciel, et de me sentir heureuse et fière de mon frère. »
La joie qui illumine le visage des anges en recevant dans le ciel le pécheur repentant, n’est pas plus pure que celle qui illuminait en ce moment le visage d’Henriette. Les larmes de bonheur qui remplissaient ses yeux ajoutaient un nouvel éclat à sa physionomie.
« Ma chère Henriette, dit M. Morfin après un moment de silence, je ne m’attendais pas à ce dénoûment ; vous ai-je bien compris ? vous voulez abandonner votre part d’héritage comme votre frère John abandonne la sienne pour l’accomplissement de votre généreux dessein ?
— Oh oui ! répondit-elle après avoir partagé tous les deux nos soucis, nos espérances, nos desseins, pourrais-je ne pas prendre ma part de cet acte de justice ? N’ai-je pas le droit de continuer jusqu’au bout notre communauté de cœur et d’intérêt ?
— Le ciel me garde de vous contester ce droit là !
— Nous pouvons compter sur votre amitié, n’est-ce pas ? Oh ! oui, j’y compte.
— Je ne vaudrais pas ce que… ce que j’espère valoir, si je ne vous donnais cette assurance de tout mon cœur. Vous pouvez y compter, sans que j’aie besoin de vous le jurer. Sur mon honneur, je garderai votre secret. Et s’il arrive que M. Dombey se trouve réduit, comme je le crains, à la dernière extrémité par la détermination irrévocable qu’il aura voulu prendre, je vous aiderai à accomplir le dessein pour lequel vous êtes d’accord avec John. »
Elle lui donna la main et le remercia avec un visage plein de franche amitié et de bonheur.
« Henriette, dit-il en gardant sa main dans la sienne, vous dire tout ce qu’il y a pour vous de mérite à faire un sacrifice, surtout un sacrifice d’argent, serait ridicule et présomptueux. Vous prier de réfléchir à ce que vous voulez faire ou vous engager à mettre des bornes à votre libéralité, ne le serait pas moins, j’imagine. Je n’ai pas le droit de venir gâter la noble