« Ici, je suis en sûreté, pensa-t-elle en voyant s’effacer les alentours. Quand on me trouvera morte au pied de la croix, ce sera quelqu’un de mon espèce ; un des ouvriers qui travaillent dans ce bâtiment. Je ne vois plus les fenêtres et leurs lumières ; mais je sais qu’elles sont là ; et j’en bénis le Seigneur. »
La nuit est venue ; un visage est penché au-dessus d’elle.
« Cela ne peut pas être la jolie dame !
— Je ne vous entends pas ; laissez-moi vous humecter les lèvres avec un peu d’eau-de-vie ; je suis allée en chercher. Avez-vous trouvé que j’avais été longtemps ? »
C’est une figure de femme, entourée d’une forêt de cheveux noirs, la figure attristée d’une femme jeune et belle.
« Mais je ne suis plus sur terre, et cela doit être un ange. Y a-t-il longtemps que je suis morte ?
— Je n’entends pas ce que vous dites ; laissez-moi remouiller vos lèvres. Je me suis dépêchée tant que j’ai pu ; et n’ai ramené personne, de peur que le monde ne vous fît impression.
— Est-ce que je ne suis pas morte ?
— Vous parlez si bas, que je ne peux pas vous entendre ; mais moi, m’entendez-vous ?
— Oui ! je vous entends.
— Je sortais de l’atelier, et je revenais par le petit chemin quand vous avez poussé un gémissement ; je me suis approchée, et vous ai trouvée là.
— De quel atelier, ma chère ?
— Si vous demandez où je travaille, c’est à la papeterie.
— Où est-elle donc ?
— Vous ne pouvez pas la voir ; votre figure est tournée vers le ciel ; mais c’est tout près. Voulez-vous que je vous relève ?
— Pas encore.
— Seulement votre tête, que je poserai sur mon bras ; je le ferai tout doucement, vous ne le sentirez pas.
— Non ; pas encore… lettre… papier.
— Qui est sur votre poitrine ?
— Soyez bénie…
— Laissez-moi vous mouiller les lèvres. Dois-je l’ouvrir ?
— Oui. »
Elle lut cette lettre avec surprise, et regarda avec un nouvel intérêt le visage immobile près duquel elle se tenait agenouillée.
« C’est un nom que je connais, dit-elle, j’ai entendu souvent parler de mister et de mistress Boffin.
— Le remettre.