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L’AMI COMMUN.

l’acte d’un très-jeune homme, qui n’est ici que par charité, et ne répondra jamais à nos soins. »

Il se retire après s’être incliné jusqu’à terre ; et n’a pas fermé la porte, que tous les trois rient de bon cœur, et pendant longtemps.

« Ils me devinent tous, dit Bella ; c’est peut-être parce que j’ai l’air trop heureux. »

Son mari lui ouvrant les bras, elle s’y cache avec obéissance, et du fond de sa retraite : « Cher Pa, dit-elle d’une voix émue, vous rappelez-vous notre babillage au sujet des navires ?

— Certainement.

— Comprenez-vous qu’il n’y eût pas de John dans tous ces navires-là ? comme c’est bizarre !

— Pas du tout, mon ange : pouvons-nous savoir ce que nous apportent les vaisseaux qui arrivent des pays inconnus ? »

Bella restant silencieuse à la place qu’elle occupe, le Chérubin finit son dessert, en y mettant une sage lenteur ; puis il se rappelle qu’il est temps de reprendre la route d’Holloway. « Mais ce serait pécher, mes enfants, que de partir sans avoir bu à de nombreux anniversaires de cet heureux jour.

— Qu’ils soient sans nombre, dit Rokesmith ; je remplis mon verre, et celui de ma femme adorée.

— Gentlemen, dit le Chérubin, qui, dans sa tendance anglo-saxonne à épancher ses sentiments sous forme de speech, admet à son discours, sans le leur faire entendre, les gamins qu’on voit de la fenêtre se porter le défi de plonger dans la vase, pour une pièce de six pence, Gentlemen, et vous John et Bella, vous comprendrez sans peine que mon projet, dans cette circonstance, n’est pas de vous imposer de nombreuses observations, dont la longueur serait au moins importune. La nature du toast que je propose, à l’occasion de cet heureux jour, vous est d’ailleurs connue, et vous pouvez en induire les termes dans lesquels ce toast doit être formulé. John, Bella et Gentlemen, la circonstance actuelle est une circonstance empreinte de tels sentiments, que je ne saurais me fier à moi-même pour en tenter l’expression ; mais je veux au moins, John, Bella et Gentlemen, vous remercier de la part que vous m’y avez fait prendre, de la confiance que vous avez mise en moi, et de l’affectueuse bonté que vous avez eue de ne pas me trouver gênant, alors que je savais fort bien qu’il était impossible que je ne le fusse pas, à un degré quelconque ; je vous en remercie de tout mon cœur. Gentlemen, John et Bella, vous avez toute ma tendresse ; puissions-nous, comme en cette circonstance, nous réunir à pareil jour, pendant une longue série d’années ; c’est-à-dire, Gentlemen, John et Bella