Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/106

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doigts ; la jeune fille se pencha sur sa broderie, travaillant avec autant d’activité que si elle travaillait pour vivre. Vendale n’était guère moins agité ; il sentait combien de ménagements il fallait prendre pour amener doucement Marguerite à écouter son aveu, et à lui en faire un autre en échange. L’amour d’une jeune fille est chose délicate, qu’il ne faut point traiter brusquement ; aussi Vendale essaya-t-il d’abord d’un système d’approches graduelles ; il prit des détours et écouta d’un air soumis la voix qui, tout bas, l’avertissait d’être plus circonspect. Adroitement, il ramena la mémoire de Marguerite vers le passé, vers l’époque de leur première rencontre lorsqu’ils voyageaient en Suisse. Ils firent ainsi revivre entre eux les sensations d’autrefois, et les souvenirs de cet heureux temps qui n’était plus. Peu à peu la contrainte de Marguerite se dissipa ; elle sourit, elle écouta Vendale ; elle lui souriait et son aiguille devenait paresseuse. Elle fit plus d’un faux point dans son ouvrage. Cependant les deux jeunes gens se parlaient de plus en plus ouvertement à voix basse, leurs deux visages se penchaient l’un vers l’autre.

Madame Dor se conduisit comme un ange. Pas une seule fois elle ne se retourna, ni ne souffla mot. Elle continuait à se débattre avec les bas d’Obenreizer, les tenant serrés sous son bras gauche et levant le bras droit vers le ciel. Il y eut pour les amoureux de délicieux et indescriptibles moments, où Madame Dor paraissait vraiment être assise sens dessus dessous et ne plus contempler que ses jambes, ses propres et respectables jambes qui s’agitaient en l’air. Ces mouve-