Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pressa les coudes de Vendale, et sortit avec l’ami muet.

Vendale se retourna vers la fenêtra où Marguerite s’était assise.

Là, comme s’il était tombé du plafond ou sorti du parquet, là dans son attitude sempiternelle, le visage tourné vers le poêle, se trouvait un obstacle inattendu, sous la forme de Madame Dor. Elle se souleva, regarda par-dessus sa large et plantureuse épaule, et retomba comme une masse sur sa chaise. Travaillait-elle ? Oui. À nettoyer les gants d’Obenreizer ? Non. À repriser ses bas.

La situation devenait trop cruelle. Deux moyens se présentèrent à l’esprit de Vendale. Était-il possible de se défaire de Madame Dor, et de la fourrer dans son poêle ? Le poêle ne pourrait la contenir. Était-il possible de traiter la bonne dame non plus comme une personne vivante, mais comme un objet mobilier ? Pouvait-on, avec un effort d’intelligence, arriver à la considérer, par exemple, comme une commode, et sa coiffure de gaze noire comme un objet qu’on aurait laissé traîner dessus par accident ! Oui, l’on pouvait faire cet effort, et l’intelligence de Vendale le fit. Il alla prendre place dans l’enfoncement de la croisée à l’ancienne mode, tout près de Marguerite et de son métier. La commode fit un léger mouvement, mais ne le fit suivre d’aucune observation. Rappelez-vous ici qu’un gros meuble est difficile à remuer.

Plus silencieuse et plus contrainte qu’à l’ordinaire, Marguerite était émue. Ses belles couleurs s’effacèrent de ses joues ; une énergie fiévreuse courut dans ses