Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/14

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— Vous avez beaucoup de petits garçons ici ? — dit-elle. — À quel âge les fait-on entrer dans le monde ?… Se prennent-ils souvent de passion pour la mer ?

Et puis d’une voix étouffée :

— Savez-vous lequel est Walter Wilding ?

La matrone sentit avec quelle ardeur brûlante les yeux de l’étrangère s’attachaient sur les siens, à travers le voile épais. Aussi baissa-t-elle la tête — n’osant la regarder à son tour.

— Je sais lequel est Walter Wilding, — dit-elle. — Mais mon devoir m’interdit de faire connaître aux visiteurs le nom de nos enfants.

— Ne pouvez-vous seulement me le montrer sans rien me dire ? — répliqua la dame voilée.

Sa main allait en même temps chercher celle de la femme et la serrait de toute sa force.

— Je vais passer autour des tables, — dit tout bas la matrone sans avoir l’air de s’adresser à la visiteuse. — Suivez-moi des yeux. Le petit garçon près duquel je m’arrêterai et à qui je parlerai tout à l’heure, ne sera pour vous qu’un étranger comme tous les autres ; mais celui que je toucherai en passant sera Walter Wilding. Ne me dites plus rien et éloignez-vous.

La dame voilée obéit, avança de quelques pas dans la salle, les yeux fixés sur la matrone.

Celle-ci, d’un air officiel et grave, marche en dehors des tables en commençant par la gauche. Elle suit la ligne entière, tourne, et revient à l’intérieur des rangs et, jetant un regard furtif du côté de la dame voilée, s’arrête auprès d’un enfant, se baisse,