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et lui parle. L’enfant lève la tête et répond. Elle l’écoute d’un air naturel, en souriant, et pose en même temps sa main sur l’épaule du petit garçon assis à droite. Tandis qu’elle continue de causer avec l’autre, elle fait à celui-ci quelques caresses sans lui rien dire ; puis elle achève sa tournée le long des tables sans toucher aucun autre enfant et sort de la salle.

Le dîner est fini. La dame voilée s’avance à son tour, par le chemin indiqué, en dehors des tables, en commençant par la gauche. Elle suit la longue rangée extérieure, tourne, et revient sur ses pas. Par bonheur pour elle, d’autres personnes viennent d’entrer par hasard et sans but. Elle ne se voit plus seule dans la salle ; et, moins alarmée, elle relève son voile et, s’arrêtant devant le petit garçon que la matrone a touché :

— Quel âge avez-vous ? — dit-elle.

— Douze ans, madame, — répond l’enfant étonné, en levant ses beaux grands yeux vers elle.

— Êtes-vous heureux et content ?

— Oui, madame.

— Pouvez-vous accepter ces bonbons ?

— S’il vous plaît de me les donner.

Elle se penche pour les lui remettre et touche de son front et de ses cheveux la figure de l’enfant. Alors, baissant de nouveau son voile, elle passe.

Elle passe bien vite et s’enfuit sans regarder en arrière.