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Quant à la résolution d’Obenreizer, elle fut la même que celle de Vendale.

Il se voyait aux abois, désespéré, perdu, il lui fallait à tout prix anéantir la preuve que Vendale portait avec lui, dût-il pour cela anéantir Vendale lui-même !

Menacé d’une ruine certaine, enfermé dans un cercle que l’activité de Vendale resserrait d’heure en heure autour de lui, Obenreizer haïssait son compagnon avec la férocité d’une bête fauve. De tout temps il avait nourri de mauvaises pensées contre le jeune négociant. Était-ce la sourde rancune du paysan contre le gentleman ? Était-ce le contraste de sa nature avec cette nature franche et généreuse ? Était-ce la beauté de Vendale ? Était-ce le bonheur qu’il avait eu de se faire aimer de Marguerite ? Étaient-ce toutes ces causes réunies ensemble ? Il le haïssait, il l’avait haï dès qu’il l’avait vu. À présent, il le regardait comme celui qui le conduisait à sa perte. Et cette pensée redoublait la fureur de sa haine.

Vendale, au contraire, qui, si souvent, avait lutté contre lui-même pour se défendre de cette instinctive et vague méfiance qu’Obenreizer lui avait inspirée si longtemps, se regardait à présent comme obligé d’effacer de son esprit jusqu’à la trace de ce sentiment involontaire. Il se disait qu’Obenreizer était le tuteur de Marguerite, qu’il vivait avec lui désormais dans les termes d’une amitié véritable, que c’était lui qui, de son plein gré, avait voulu être son compagnon de route sans avoir aucun motif intéressé à partager les fatigues et les dangers d’un tel voyage…

À toutes ces raisons, qui plaidaient si fortement