Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/148

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Que de profondeurs dans cette vie qui restaient insondables ! Quoi de plus curieux aussi que le hasard ou l’enchaînement de sentiments et de devoirs qui avait établi entre Obenreizer et Vendale une cordialité croissante de rapports, une intimité assez grande pour les amener là, tous deux par cette nuit d’hiver, s’acheminant ensemble au même lieu, au même but.

Les pensées de Vendale, éveillées sur cet objet, se perdaient dans l’espace, tandis que ses yeux suivaient toujours Obenreizer qui ne cessait point sa promenade. Et le fleuve roulait, roulait, et poursuivait sa psalmodie funèbre.

— Où le volerai-je, si je le puis ?… Où le tuerai-je, s’il le faut ?…

Le secret de Wilding ne courait aucun danger sur les lèvres de Vendale. Mais celui-ci songeait que c’était sous le poids même de ce secret que Wilding était mort ; il sentait, lui aussi, le poids redoutable dont il avait hérité. Et cependant le fardeau lui semblait maintenant un peu moins lourd, et l’obligation de suivre la trace cherchée, quelqu’obscure qu’elle fût, moins pénible. Quoi ! ne serait-il pas bien heureux qu’Obenreizer fût le véritable Walter Wilding.

Eh non ! Bien qu’à force de raisonnements et de combats, il eût à peu près vaincu la défiance que lui inspirait cet homme, il ne pouvait souhaiter de le voir prendre la place de l’ami qui n’était plus. Un tel associé à lui, qui était si franc, si simple, si dénué d’artifice !… Et puis, voudrait-il qu’Obenreizer devînt riche ?… Non. Obenreizer avait assez de pouvoir déjà sur Marguerite sans que la richesse vînt l’aug-