Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/166

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— Je l’ai traversé une fois.

— En été ?

— Oui, dans la saison des voyages.

— Ah ! dans la présente saison, c’est bien différent ! — dit Obenreizer avec un ricanement étrange. — Nous ne sommes pas dans un moment de l’année où vous autres gentlemen, qui voyagez pour votre agrément, vous puissiez en trouver autant que d’habitude. Vous ne connaissez pas grand’chose à ce que vous voyez.

— Vous êtes mon guide, — répliqua Vendale avec bonne humeur, — je me fie à vous.

— Oui, je suis votre guide, — dit Obenreizer, d’un air sombre, — et je veux vous guider au but de votre voyage. Tenez, voici le pont devant nous.

Ils avaient, tout en causant, fait le tour d’une ravine immense et désolée. La neige roulait en flots épais sous leurs pieds, la neige était suspendue au-dessus de leurs têtes. Obenreizer s’arrêta pour montrer le pont à Vendale, qu’il observait en même temps avec une terrible expression de haine.

— Si je vous avais fait passer en avant, — lui dit-il, — si j’avais négligé de vous avertir, et si vous aviez poussé seulement une exclamation de surprise, un seul cri, vous auriez ébranlé les masses de neige qui auraient pu vous blesser en tombant, qui vous auraient enseveli peut-être…

— Cela est vrai ? — dit Vendale.

— Oh !… très-vrai… mais je suis votre guide et je dois veiller sur vous. Passons en silence. Une imprudence nous coûterait la vie. En avant !