Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/165

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plus vive, si cette légion se compose des géants de la nature, si ce front sinistre est celui des pics et des montagnes, dont les menaces vont bientôt se changer en une redoutable fureur ?

Ils montaient. La route était plus âpre et plus escarpée ; mais la gaieté de Vendale devenait plus franche, à mesure qu’il voyait le chemin se dérouler derrière lui ; il regardait cet espace conquis et s’applaudissait de la résolution qu’il avait prise. Obenreizer continuait à parler fort peu ; il songeait au but poursuivi ! Tous deux agiles, patients, déterminés, avaient bien les qualités nécessaires à une expédition si aventureuse. Si Obenreizer, le montagnard, voyait dans le temps quelque présage de mort, il se gardait bien d’en faire part à son compagnon.

— Aurons-nous traversé la passe ce soir ?… — demanda Vendale.

— Non, — répliqua Obenreizer, — vous voyez combien la neige est plus épaisse ici qu’elle ne l’était plus bas. Plus nous monterons, plus nous la trouverons compacte et profonde… Et puis les jours sont encore si courts ! Si nous pouvons arriver à la hauteur du cinquième Refuge et coucher cette nuit à l’Hospice, c’est que nous aurons bien marché.

— Est-ce qu’il n’y a point de danger que la tempête s’élève dans la nuit ? — demanda Vendale, un peu ému.

— Nous sommes environnés de beaucoup de dangers, — dit Obenreizer avec un air de prudente réserve, — n’avez-vous pas entendu parler du Pont de Ganther ?