Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/20

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— Une femme de charge… nous la demandons dans les journaux. « S’adresser au Carrefour des Éclopés, Great Tower Street, de dix heures à midi. » Voilà l’annonce.

— Les affaires de feu ma pauvre mère sont réglées, — dit Walter.

— Réglées, — fit l’écho.

— Et tous les frais payés.

— Payés, — dit Bintrey avec son gros rire.

Et pourquoi Bintrey riait-il ? C’est qu’il pensait qu’il y avait vraiment au monde des gens assez simples, pour payer des frais sans discuter.

— Feu ma pauvre chère mère, — continua Wilding, — c’est un plaisir pour moi que de parler d’elle… mais c’est un plaisir qui m’accable… vous savez combien je l’aimais et combien je lui étais cher. Certes nous avions l’un pour l’autre le plus grand amour qui puisse exister entre une mère et son fils ; et, depuis le jour où elle m’avait pris sous sa garde, jamais nous n’avons connu un moment de discussion ou d’humeur. C’est un bonheur qui n’a duré que treize ans ; n’est-ce pas bien court ? je n’ai vécu que treize ans auprès de ma chère mère et ce n’était que depuis huit ans qu’elle m’avait reconnu confidentiellement pour son fils. Vous connaissez cette triste histoire, Monsieur Bintrey. Qui la connaîtrait, si ce n’était vous ?

Wilding se prit à sangloter.

Tandis qu’il essuyait ses larmes, que faisait Bintrey ?

Il savourait son Porto à petites gorgées qu’il promenait dans sa bouche.