Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/27

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gement, Monsieur Wilding, mon jeune maître… — dit-il, en entrant, d’un ton bourru.

— Quoi ! Joey….

— Eh bien ! s’il faut parler pour moi, Monsieur Wilding… et jamais je n’ai parlé ni ne parlerai pour d’autres que pour moi,… je n’ai aucun besoin, ni d’être nourri, ni d’être logé. Si cependant vous désirez me loger et me nourrir, soit… je puis manger comme tout le monde et je me soucie moins de l’endroit où je mangerai que de ce qu’on me fera manger, ne vous en déplaise. Est-ce que tous vos employés vont aussi vivre chez vous, mon jeune maître ? Les deux autres garçons de cave, les trois porteurs, les deux apprentis, les hommes de journée… tout le monde ?

— Oui, Joey… et j’espère que nous formerons une famille unie.

— Bon, — dit Joey, — je l’espère pour eux.

— Pour eux ?… Dites aussi pour nous.

Joey Laddle secoua la tête.

— Ne comptez pas trop sur moi pour cela, Monsieur Wilding, mon jeune maître. Ce n’est pas à mon âge, et après les circonstances qui ont formé mon caractère, qu’on se prend tout d’un coup à aimer la société. Lorsque Pebblesson Neveu me disaient : « Joey, tâche donc de prendre une figure plus enjouée, » je leur ai souvent répondu : « C’est bon à vous qui êtes accoutumés à boire le vin, d’avoir un visage gai. Moi je ne fais que le respirer par les pores de ma peau. Pris de cette façon, il agit différemment. Autre chose, messieurs, de remplir vos verres dans une bonne salle