Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/45

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tion que je viens de commettre. Que n’ai-je pu dissimuler le trouble où la vue de ce portrait et les confidences que vous m’avez faites m’avaient jetée malgré moi ! Si j’avais eu la sagesse de me taire, vous n’auriez jamais eu l’occasion d’apprendre toutes ces choses douloureuses et, même à l’heure de votre mort, tranquille et sans inquiétude…

Elle s’arrêta, car Wilding redressa brusquement la tête et la regarda. Son honnêteté native se soulevait dans son cœur et protestait contre ce dernier mot de Madame Goldstraw.

— Entendez-vous par là que vous auriez voulu me cacher tout ceci… — s’écria-t-il, — me le cacher à jamais si vous l’aviez pu ?

— Je me flatte de pouvoir toujours dire la vérité quand on me la demandera, — répondit Madame Goldstraw. — Certes, il vaut mieux pour moi et pour ma conscience de n’être pas chargée d’un pareil secret. Mais cela vaut-il mieux pour vous ? De quelle utilité peut-il vous être, maintenant, de le connaître, le secret qui vous déchire ?

— De quelle utilité ? — répéta Wilding. — Mais, grand Dieu, si cette histoire est vraie !…

— Si elle ne l’était point, vous l’eussé-je racontée, monsieur ? — répliqua-t-elle.

— Je vous demande pardon, — continua Wilding. — Il faut être indulgente pour moi. Je ne puis encore trouver la force d’admettre comme réelle cette terrible découverte. Nous nous aimions si tendrement l’un et l’autre (il montrait le portrait en disant cela). Je sentais si profondément que j’étais son fils… Elle