Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/46

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est morte dans mes bras, Madame Goldstraw, morte en me bénissant comme une mère seule peut bénir. Et c’est après tant d’années qu’on vient me dire : Elle n’était pas ta mère !

— Malheureusement, — fit Madame Goldstraw, — elle ne l’était pas, mais elle vous aimait….

— Je ne sais ce que je dis ! — s’écria-t-il.

Déjà l’empire passager qu’il avait pu prendre sur lui-même quelques moments auparavant et qui lui avait donné un peu de force s’évanouissait.

— Ce n’était pas à ce terrible chagrin que je songeais tout à l’heure. Non, c’était tout autre chose qui me traversait l’esprit… Oui, oui, vous m’avez surpris et blessé, Madame Goldstraw. Votre langage me donne à supposer que vous regrettez de ne m’avoir point laissé une erreur qui m’était si chère. Ne vous laissez pas aller à de telles pensées, et surtout gardez-vous bien de me les dire. C’eût été un crime que de m’épargner la vérité. Je sais que votre intention était bonne, je le sais ! je ne désire pas vous affliger, vous avez bon cœur. Mais songez à la situation où je me trouve. Dans la fausse conviction que j’étais son fils, Elle m’a laissé tout ce qu’elle possédait. Je ne suis pas son fils. J’ai pris la place, j’ai accepté, sans le savoir, la place d’un autre. Cet autre, il faut que je le trouve. L’espoir de le retrouver est le seul qui me relève et me fortifie au milieu de ce terrible chagrin qui me frappe. Vous en devez savoir bien plus que vous ne m’en avez raconté, Madame Goldstraw ? Quelle était cette étrangère qui a adopté l’enfant ? Son nom, vous l’avez entendu ?