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La classe fut promptement instituée, avec l’aide de deux ou trois personnes ayant quelques connaissances musicales et chantant d’une façon supportable. Le chœur fut formé, instruit, et conduit par Wilding. Le nom des Obenreizer vint de lui-même en cette affaire. C’étaient d’habiles musiciens ; il était donc tout naturel qu’on leur demandât de se joindre à ces réunions musicales. Le tuteur et le pupille y ayant consenti (ou le tuteur pour tous les deux), l’existence de Vendale ne fut plus qu’un mélange de ravissement et d’esclavage.

Dans la petite et vieille église, bâtie par Christophe Wreen, sombre et sentant le moisi comme une cave, lorsque, le Dimanche, le chœur était rassemblé et que vingt-cinq voix chantaient ensemble, n’était-ce pas la voix de Marguerite qui effaçait toutes les autres, qui faisait frémir les vitraux et les murailles, qui frappait les voûtes et perçait les ténèbres des bas-côtés comme un rayon sonore ? Quel moment ! Madame Dor, assise dans un coin du temple, tournait le dos à tout le monde. Obenreizer aussi chantait.

Mais ces concerts séraphiques du Dimanche étaient encore surpassés par les concerts profanes du Mercredi, établis dans le Carrefour des Éclopés, pour l’amusement de la famille patriarcale. Le Mercredi, Marguerite tenait le piano et faisait entendre dans la langue de son pays les chants des montagnes. Ces chants naïfs et sublimes semblaient dire à Vendale : « Élève-toi au-dessus du niveau de la commerciale et rampante Angleterre… Viens au loin… bien au loin de la foule et du monde ; suis-moi… plus haut,